A Strasbourg, une volonté « bas carbone » accentuée autour d’une logistique fluviale

Dans la capitale de la région Grand Est, la volonté de « décarboner » les activités mobilise l’Eurométropole aux côtés de VNF. Elle se décline non seulement par l’adoption récente d’une feuille de route pour une logistique « décarbonée » mais aussi des actions concrètes.

Depuis plusieurs années à Strasbourg, une logistique « décarbonée » gagne du terrain, plus particulièrement autour des besoins d’approvisionnement des chantiers de la capitale de la région Grand Est.

Cette logistique « décarbonée », s’appuie notamment sur un maillon fluvial, aidée par la géographie : le Grand Est constitue une région fluviale avec 1 635 km de voies navigables qui comprennent le Rhin, la Moselle, la Seine, la Meuse ainsi que des liaisons inter-bassins. Sur 13 aires urbaines de plus de 50 000 habitants, 10 sont traversées par des voies d’eau qui peuvent amener des marchandises jusqu’au cœur des villes, selon les données de l’Observatoire régional des transports et de la logistique (ORTL).

Si les conditions de livraison par la voie routière ont commencé à évoluer dès 2012, sous l’action de ce qui est aujourd’hui l’Eurométropole de Strasbourg, c’est en 2019 qu’un appel à projets a été lancé et a abouti à la mise en place d’une navette fluviale quotidienne par la société ULS avec l’objectif de favoriser le report modal et d’offrir un nouveau service permettant aux chargeurs et aux distributeurs qui le souhaitent d’en bénéficier. Cette solution a allié dès le début deux points cruciaux : le transport par la voie navigable et une disponibilité foncière au bord de la voie d’eau.

Précédemment, en 2018, de premiers chantiers de BTP ont été approvisionnés par la voie fluviale en utilisant le quai des Pêcheurs, situé sur les rives de l’Ill, dans l’hyper-centre de Strasbourg. Ce sont elles qui ont conduit à cette solution pérenne de logistique urbaine fluviale, laquelle à terre utilise des vélos-cargo pour le dernier kilomètre.

Les chantiers de BTP, une voie d’action

Aujourd’hui, c’est une nouvelle fois à partir des chantiers de BTP que l’Eurométropole de Strasbourg pousse à l’utilisation du fluvial, cette fois-ci pour la construction du nouveau quartier d’affaire « Wacken-Archipel 2 », situé à proximité du canal de la Marne au Rhin.

Le fluvial est de longue date utiliser pour approvisionner les chantiers de construction, dans le cadre de ce qui n’était pas alors nommé « logistique urbaine ». Il s’agit toutefois ici d’aller un peu plus loin dans la démarche. Celle-ci s’est traduite par un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par la Ville de Strasbourg et Voies navigable de France (VNF) en 2022.

Le lauréat de cet AMI, l’entreprise Béton Fehr, vient de signer la convention avec la collectivité. Le document prévoit une expérimentation de deux ans, renouvelable en cas de retard des travaux.

Béton Fehr va mettre en service à partir d’octobre 2023 une centrale à béton sur le site même du chantier du nouveau quartier. Cette centrale à béton va être approvisionnée en matières premières par des bateaux fluviaux.

Selon les calculs de l’Eurométropole, la solution fluviale peut permettre d’éviter la rotation de 4 000 camions malaxeurs par an pendant la durée des travaux. Il est aussi prévu que l’installation soit équipée en récupérateurs d’eaux et de panneaux photovoltaïques. Des équipements vont réduire les nuisances sonores et la production de poussières.

L’investissement atteint trois millions d’euros pour Béton Fehr dans ce projet qu’il considère comme une expérience-pilote. Il dispose déjà de deux bateaux fluviaux qui approvisionnent des chantiers.

Le projet compte notamment deux incertitudes :

  • Le volume de granulats nécessaire en fonction des besoins de béton. Béthon Fehr évalue à 34 000 tonnes le volume de granulats à transporter par le fluvial sur les deux ans de la convention ;
  • Les entreprises de BTP qui vont construire les bâtiments du nouveau quartier n’ont pas d’obligation de se fournir en béton auprès de la centrale présente sur place, pour des raisons de libre concurrence, explique l’Eurométropole. Toutefois, cela semble tout de même plus simple a priori, compte tenu de la proximité, et d’un prix du béton conforme à celui du marché, selon Béton Fehr.
Une feuille de route pour la période 2023 à 2030

L’annonce de ce projet d’installation d’une centrale à béton livrée par la voie fluviale a lieu quelques jours après l’adoption lors de la réunion du conseil de l’Eurométropole de Strasbourg du 12 mai 2023 d’une feuille de route intitulée « Pour une logistique urbaine durable et décarbonée ». Elle porte sur la période 2023 à 2030.

Dans le territoire de la métropole strasbourgeoise, « les échanges de marchandises ont augmenté de 40 % entre 2011 et 2022. Si l’on prend également en compte la livraison de colis ou de repas à domicile pour les particuliers, qui s’est inscrite dans les modes de vie depuis le confinement, se dessine très nettement l’importance de la logistique urbaine dans les flux qui traversent la ville ».

Pour Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de l’économie durable, également présidente du port de Strasbourg : « Des enjeux de qualité environnementale et de fluidité des échanges se posent. C’est pour y répondre que la collectivité s’est dotée de cette feuille de route ».

Que dit la feuille de route de l’Eurométropole de Strasbourg ?

  • Pour favoriser la décarbonation du transport de marchandises, la voie fluviale est une alternative crédible pour des flux massifiés ;
  • La voie fluviale participe au report modal et offre des solutions aux acteurs économiques qui doivent composer avec la Zone à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) et la Zone à circulation restreinte (ZCR) ;
  • Ce moyen de transport a un gros potentiel dans la mesure où les voies d’eau ne sont pas saturées. Elles peuvent supporter un trafic bien plus important ;
  • Le transport fluvial est vertueux à plusieurs titres, il est nettement moins polluant que les camions (en moyenne 60 % de moins), plus silencieux, et améliore la fluidité du trafic routier en retirant des camions de la circulation et il a une forte synergie avec la cyclo-logistique ;
  • En partenariat avec VNF et le port autonome de Strasbourg (PAS), l’Eurométropole peut aménager des quais ou des plateformes de transbordement afin de mailler le territoire et favoriser ce report vers le transport fluvial de marchandises. Multiplier les origines et destinations améliore en effet la pertinence de ce mode de transport ;
  • Ce potentiel à développer doit toutefois prendre en compte de manière fine les autres usagers des voies d’eau : activités touristiques et de loisirs notamment.

Une liste d’actions

L’Eurométropole rappelle que d’autres projets sont engagés avec VNF :

  • Une étude d’opportunité technique et économique pour la réalisation d’une plateforme de logistique fluviale pour le transport de marchandises et de déchets en lien avec la zone commerciale nord et les activités économiques du secteur à Vendenheim et Eckwersheim ;
  • Strasbourg quartier Citadelle : étude pour l’acheminement des matériaux de construction dans le cadre du démonstrateur ville durable.

Source : NPI