Quand les marins passent du maritime au fluvial

Le fluvial compte parmi ses navigants d’anciens officiers de la marine marchande. Le secteur manquant de capitaines, il y a un intérêt accru pour ce type de profils. Reste que passer d’un secteur à l’autre demande un peu de patience.

Au bout de quelques années de navigation, nombre d’officiers de marine marchande envisagent une reconversion, souvent pour se rapprocher de leur famille. Le fluvial peut leur permettre de continuer à naviguer sans déplacements lointains et longs. D’autant que le secteur a cruellement besoin de capitaines.

« Il manquerait chaque année en France 200 conducteurs de bateaux fluviaux. Cette année, certains acteurs du tourisme fluvial ont dû laisser des bateaux à l’arrêt faute de conducteurs », souligne François Manouvrier, directeur du centre de formation des apprentis de la navigation intérieure (CFANI).

Bonne nouvelle pour les candidats à l’embauche : cette pénurie a tendance à tirer les rémunérations à la hausse. Cela dit, « les salaires sont très variables selon les entreprises, en particulier dans le transport de marchandises. Dans la croisière fluviale, ils sont souvent relativement élevés », précise Françoise Manouvrier, selon lequel la rémunération mensuelle d’un capitaine fluvial varie entre 2 000 et 5 000 euros. À noter toutefois que le personnel du fluvial n’est pas rattaché au régime de l’Énim (Établissement national des invalides de la marine).

Cent quatre-vingts jours de navigation intérieure

Face au manque de diplômés de la navigation intérieure, « nous nous intéressons à des profil sun peu différents. Or les profils de marins sont les plus proches de nos besoins en matière de personnels embarqués, et leurs compétences sont facilement transposables , indique Aline Boutron, responsable ressources humaines chez CFT (Compagnie fluviale de transport), qui compte d’anciens officiers de marine marchande parmi ses navigants. Mais il faut que nous travaillions sur des parcours pour faciliter le passage du maritime au fluvial ».

Si les officiers de la marine marchande peuvent accéder de manière accélérée au poste de capitaine fluvial, il leur faut toutefois faire preuve de patience et d’humilité. « Une directive européenne transposée en 2022 en droit français permet à un professionnel ayant au moins 500 jours d’expérience en tant que membre de pont du maritime de passer le brevet de capitaine fluvial après 180 jours de navigation intérieure, contre 540 jours normalement requis, explique François Manouvrier. Ce nouveau texte tend cependant à compliquer le passage entre les deux secteurs puisque auparavant, 100 jours de navigation fluviale pouvaient suffire à des marins pour conduire un bateau de moins de 120 mètres. » Trop tôt encore, à ce stade, pour savoir quel sera l’impact de cette directive sur les projets de reconversion.

En tout état de cause, une formation apparaît nécessaire pour les anciens marins. Car, si les deux secteurs présentent beaucoup de similitudes, les différences sont également nombreuses(environnement de conduite, vocabulaire, réglementation…). Le jeu peut en avoir la chandelle. « Tous les navigants fluviaux issus du maritime que j’ai rencontrés sont convaincus d’avoir fait le bon choix , assure François Manouvrier. À la fois pour l’intérêt du métier et pour les conditions de vie, avec souvent une alternance sept jours embarqués et sept jours à terre. »

Des opportunités qui ne se limitent pas à la navigation

Les opportunités professionnelles qu’offre le secteur fluvial aux diplômés de la marine marchande ne se cantonnent pas au pilotage de navires. Alexandre Zinzius peut en témoigner, lui qui travaille depuis mai en tant que responsable technique pour le spécialiste des croisières sur la Seine Vedettes de Paris. « Mes compétences acquises dans la marine marchande m’ont permis de prendre ce poste sans avoir besoin de formation complémentaire, souligne ce diplômé de l’ENSM (École nationale supérieure maritime), qui a par le passé travaillé dans la croisière en mer. Au niveau salarial, j’y trouve tout à fait mon compte comparé à un poste à terre du secteur maritime. » Le principal défi du passage au fluvial, selon lui ? « Refaire une partie de son carnet d’adresses. Je travaille désormais avec beaucoup de sociétés basées en région parisienne. » Quoi qu’il en soit, dans son nouvel environnement professionnel,Alexandre Zinzius a l’occasion de côtoyer d’autres diplômés de la marine marchande,par exemple au sein des sociétés de classification ou des entreprises spécialisées dans les systèmes électriques équipant les bateaux.

Source : Le Marin