Prolongation de la concession du Rhône : l’avis des transporteurs

Sur un plan général, il faut noter que la régulation du Rhône, sa mise en navigation et le modèle économique qui s’y rattache sont considérés par les transporteurs fluviaux comme un succès.

Sur les enjeux de développement du transport fluvial et leur prise en compte actuelle par la CNR

E2F considère que la stratégie de l’État en matière de transport fluvial n’est pas suffisamment affirmée au sein de la CNR. De fait, le niveau de contrôle exercé par l’État auprès de la concession sur le volet transport est peu lisible surtout lorsqu’on le compare au contrôle exercé sur les sociétés autoroutières. De fait, le dossier de consultation, s’il traduit bien la stratégie de l’État en matière énergétique, ne traduit pas en revanche la stratégie de l’État en matière de transport.

Ceci est d’autant plus dommageable que la vallée du Rhône concentre des enjeux industriels, logistiques et transports majeurs au plan national et européen ayant fait l’objet de plusieurs initiatives récentes :

  • La vallée du Rhône est un maillon essentiel du Corridor Européen de Transport Mer du Nord- Méditerranée défini au niveau européen et géré par un coordinateur,
  • Plusieurs investissements majeurs en matière ferroviaire sont à l’étude et engagés sans coordination avec le plan d’investissement de la CNR.
  • Le premier Ministre a souhaité engager une démarche de structuration de l’axe au travers de la désignation d’un délégué interministériel et de la création d’un Conseil de coordination interportuaire, initiatives amplifiées lors du dernier Cimer de novembre 2018.

Sur la continuité du service

E2F considère que le maintien de la fiabilité des ouvrages et un taux élevé de disponibilité est une nécessité.
Le climat social, qui peut être jugé comme très bon, mérite néanmoins de faire l’objet d’une attention extrême, au travers de la mise en place d’un instrument de service garanti.

Sur les investissements en infrastructure tels que projetés

Les transporteurs souhaitent avoir plus de visibilité sur le volet des investissements.

Ce volet du projet de cahier des charges n’a pas fait à ce stade l’objet d’analyse en amont avec les usagers.

A/ Concernant les investissements en infrastructures lourdes :

Le doublement des portes aval des écluses de Bollène et de Châteauneuf-du-Rhône. Ce projet est soutenu par les transporteurs en ce qu’il apporte la sécurité nécessaire à la continuité du service en cas de panne des portes principales.

La question du développement du Port Edouard Herriot, port avancé et « miroir » du port de Fos ne fait pas l’objet de développements écrits dans le dossier de consultation.

Afin d’accroitre la compétitivité du mode fluvial sur le corridor, les transporteurs considèrent :

  • Qu’il est indispensable, dans la perspective de la généralisation du transport de conteneurs « High Cube » sur le Rhône, de disposer d’un rectangle de navigation passant de 6,30 m à 6,80 m pour accroître la compétitivité de l’axe. Cette amélioration du gabarit permettra aux transporteurs de charger à 3 couches de conteneurs « high cube » contre 2 actuellement, améliorant considérablement la compétitivité du transport fluvial. Il s’agit pour ce faire de surélever 5 ponts entre Fos et Lyon.
  • Qu’il serait opportun d’étudier la possibilité de faire passer le mouillage du Rhône à 3,50m (contre 3,00 m actuellement), ce qui le rendrait cohérent avec celui de la Saône, et permettrait de charger 500 t supplémentaires pour un convoi de 110 m.

Les transporteurs souhaitent la mise au grand gabarit de la Saône entre la Saône et Tavaux, ce qui suppose d’élargir sur 7 Km le canal du Rhône au Rhin afin de capter les flux industriels sur la zone et notamment la chimie.

Sur l’utilité d’investir pour la construction de nouvelles écluses (Sault – Brenaz, la Freyssine…) et l’entretien de plusieurs canaux comme le canal de Savières ou l’amélioration de certaines infrastructures portuaires, E2F n’y ait évidemment pas opposé mais demande que la Profession soit consultée le plus en amont possible afin d’évaluer les éléments techniques et d’opportunité.

B/ Concernant les infrastructures adjacentes :

Il faut noter, s’agissant du fret, l’absence de mention des sites de Lyon Edouard Herriot (dans le périmètre CNR) et de Fos (hors périmètre) alors que, chacun s’accorde à le reconnaître, la question du développement de la navigation fluviale sur le Bassin dépend de la capacité à traiter les ruptures de charge aux interfaces.

Sur les services (courant de quai) : aucune référence non plus dans le document alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur de compétitivité et de progrès sur le plan environnemental : bornes électriques, stations d’avitaillement multi-énergies, récupération et traitement des eaux grises et noires dans les ports et aux écluses, SIF. Les professionnels notent un déficit de concertation avec les usagers pour ces services qui pourraient être financés et exploités en partie ou en totalité par des sociétés privées, dans le cadre de sous-concessions ou de conventions de services. Ce modèle économique pourrait être étendu à d’autres services aux escales (bornes à eau, collecte des ordures ménagères), indispensables à la logistique de l’activité fluviale.

Sur les escales pour l’accueil des paquebots fluviaux : déséquilibre entre le Nord et le Sud de l’axe Rhône, notamment pour l’accueil des paquebots de 135 mètres. On ne compte au sud d’Avignon qu’un seul appontement les acceptant, à Tarascon, où la mise à couple est interdite. Ce manque d’installations freine les possibilités de développement du tourisme fluvial, les escales majeures étant rapidement saturées.

Parallèlement à la construction de nouvelles escales, il est également primordial de s’intéresser à la mise à niveau des escales existantes pour les 135 mètres, nécessitant généralement moins d’investissements et permettant de répondre rapidement au développement de l’activité des croisières fluviales, notamment au cœur des zones à fort potentiel touristique. Un focus particulier concernerait les secteurs Valence, Montélimar, Arles, Port Saint-Louis. Les armements pourraient être sollicités pour abonder au financement de certains aménagements.

Sur les carburants alternatifs : le sujet est complexe et les sites éligibles sont peu nombreux. L’étude en cours financée par l’UE, « LNG logistics », a cherché les sites possibles sur le Rhône. Des initiatives sont en cours à l’initiative de la CNR dans le domaine de l’hydrogène. Pour la Profession, il s’agit d’inscrire la planification sur tous les bassins fluviaux de stations multi-énergies et multimodales en bord à voie d’eau, afin d’obliger les gestionnaires d’infrastructures fluviales et les élus à engager une réflexion sur les besoins et les lieux d’implantation des stations. Au plan national, E2F pousse vers l’intégration d’une obligation au sein des SRADDET (dans le cadre de la LOM). La CNR pourrait s’engager dans le cadre de la prolongation de la concession à établir un schéma directeur d’implantation de ces stations d’avitaillement sur le réseau.

C/ Concernant les actions projetées au titre du schéma directeur et du Plan quinquennal
5Rhône :

Le volet des actions encadrés par le Schéma directeur et formalisées dans les plans 5Rhône a, à notre sens, le mérite de permettre la mise en œuvre d’actions qui n’interfèrent pas avec le périmètre de la concession mais peuvent en revanche conforter des actions collectives avec d’autres acteurs de l’axe sur un périmètre élargi : VNF, GPMM, future GIE portuaire…

A cet égard, il ne serait pas illogique que le principe de l’abondement par la CNR à des investissements contribuant au développement des transports sur l’ensemble de l’axe, même situés hors du périmètre géographique de la concession, soit clairement posé, par exemple afin de faciliter le transfert des conteneurs sur barge à Fos ou pour accélérer le plan de travaux sur le canal du Rhône à Sète… Concernant le volume financier d’engagement sur les 5 prochaines années qui serait porté à 160 millions d’euros contre 140 sur la dernière période, il est dit que ces investissements viendraient s’ajouter aux investissements de maintenance habituelle (Environ 46 millions par an) et au programme d’études et de travaux additionnels d’environ 500 millions d’euros. Il n’en demeure pas moins que la part réservée à la navigation dans les MIG n’a fait que décliner depuis le premier plan en 2004-2008 passant de 55 % à 20 %. Cette tendance doit être selon nous inversée au regard des propositions des transporteurs, l’enveloppe prévue de 38 M€ pour la navigation dans le plan 5Rhône est insuffisante pour inverser la tendance (23 % du total du plan).

Un régime d’incitation beaucoup plus puissant en faveur du recours au transport fluvial doit être mis en œuvre par le biais des MIG à l’instar des outils dont s’est doté le port autonome de Paris (i.e. COT).

D/ Concernant le Port Edouard Herriot

Il apparaît étonnant que le PLEH ne fasse partie d’aucun développement dans le dossier de concertation. De toute évidence, le PLEH doit renforcer son rôle et entrer en phase de développement plus en lien avec la position de Lyon, deuxième métropole française. Le PLEH traite 72 700 conteneurs fluviaux sur les 267 000 qu’il traite au total.

Il est à la fois un atout pour les flux de la métropole comme le principal port avancé du GPMM. Le PLEH est également un atout pour les liaisons Nord-Sud.

Sur le transfert de la gestion de portions du domaine public fluvial de VNF vers la concession à des fins de gestion unifiée de la voie navigable

L’imbrication actuelle des Missions entre VNF et la CNR ne pose aujourd’hui aucun problème au regard de la navigation. Schématiquement, VNF est garant de la sécurité de la navigation sur l’intégralité du bassin Rhône-Saône alors que la CNR est garante des ouvrages et de la tenue de la ligne d’eau.

En soi, la volonté d’une gestion unifiée et d’un commandement unique de l’axe, porté par une société disposant de moyens nécessaires et garantis dans le temps, est difficilement contestable. A la réserve près que le fait de transférer à la CNR le petit Rhône introduirait une discontinuité avec les flux en provenance du canal de Rhône à Sète.

Cette évolution induit néanmoins une modification du positionnement des différents acteurs ayant à connaître du transport fluvial sur l’axe et notamment de VNF dont on peut craindre que, faute d’assise en matière de gestion d’ouvrages, la capacité d’agir en tant qu’opérateur institutionnel de la voie d’eau sur le bassin Rhône-Saône ne soit considérablement affaibli.

La question du transfert pose donc à notre sens immédiatement la question du renforcement des missions de VNF sur l’axe en tant que développeur lesquelles pourraient se traduire par un rôle affirmé comme prépondérant au sein de Medlink, des prises de participation minoritaires dans les différents ports de l’axe et un rôle pivot en matière de tourisme fluvial.

Sur l’évolution de la Gouvernance

E2F demande que les usagers fluviaux puissent disposer d’un siège au sein du Conseil de surveillance comme ce fut le cas par le passé. Cette demande est d’autant plus justifiée dans la perspective d’un gestionnaire unique de l’axe, étant noté que les transporteurs disposent d’un tel poste dans la gouvernance de tous les autres gestionnaires d’infrastructure : VNF, Epidor, CCNR, ports.

EN CONCLUSION :

  • E2F soutient le projet de prolongation de la concession du Rhône au profit de la CNR.
  • Le dossier de consultation, s’il traduit bien la stratégie de l’Etat en matière énergétique, ne traduit en revanche pas la stratégie de l’Etat en matière de transport. De fait, le niveau de contrôle exercé par l’Etat auprès de la concession sur le volet transport est peu marqué et trop peu lisible.
  • Les transporteurs souhaitent avoir plus de visibilité sur le volet des investissements, qui n’a pas fait à ce stade l’objet d’analyse en amont avec les usagers dans la perspective de la prolongation de la concession proprement dite.
  • Le principe de l’abondement par la CNR à des investissements contribuant au développement des transports sur l’ensemble de l’axe, même situés hors du périmètre géographique de la concession, doit être clairement posé, par exemple afin de faciliter le transfert des conteneurs sur barge à Fos ou pour accélérer le plan de travaux sur le canal du Rhône à Sète…
  • E2F demande que les usagers fluviaux puissent disposer d’un siège au sein du Conseil de surveillance comme ce fut le cas par le passé. Les transporteurs disposent d’un tel poste dans la gouvernance de tous les autres gestionnaires d’infrastructure : VNF, Epidor, CCNR, ports.
  • La volonté d’une gestion unifiée et d’un commandement unique de l’axe porté par une société disposant de moyens nécessaires et garantis dans le temps doit être soutenue. Cette évolution induit néanmoins une modification du positionnement des différents acteurs ayant à connaître du transport fluvial sur l’axe et notamment de VNF qui doit continuer qui doit continuer à agir en tant qu’opérateur institutionnel de la voie d’eau sur le bassin Rhône-Saône

Télécharger le document :
Avis d’E2F sur les modifications à apporter à l’actualisation du schéma directeur.