Avis E2F sur le projet de règlement européen Taxonomie

Les objectifs de l’initiative européenne au travers du Règlement « Taxonomie », sont d’établir des critères techniques de sélection des activités économiques qui contribuent de façon substantielle aux objectifs environnementaux de l’UE en matière d’atténuation du changement climatique et d’adaptation au changement climatique tout en évitant les dommages importants aux autres objectifs environnementaux.

L’utilisation d’un système de référence routière transposé au transport fluvial n’est pas appropriée.

L’adoption de critères inappropriés pénalisera la navigation intérieure et détournera ses investissements, dans un contexte où elle a précisément besoin de ce financement pour faire avancer sa transition écologique.

Conformément au Green Deal européen, aux Engagements pour la croissance verte en passe d’être signés, des programmes financiers du Plan de Relance et de sa déclinaison dans le PIA 4 en préparation, le transport fluvial intérieur est considéré comme un moteur du verdissement des transports par le jeu du transfert modal. Le secteur fluvial a besoin de consentir des investissements massifs pour opérer sa transition énergétique. Toutefois, les critères établis dans les actes délégués ne sont ni adaptés ni conformes à la progressivité nécessaire au secteur de la navigation intérieure pour tendre vers l’objectif de Zéro émission. En outre, le secteur s’appuie sur une infrastructure qui dépend également fortement du niveau des investissements qui doit elle aussi être couverte par les critères techniques de sélection. 

Le secteur fluvial fait partie des modes de transport les moins émetteurs de gaz à effet de serre à la tonne transportée et qui constitue d’ores et déjà, par le jeu du report modal, un levier majeur de la réduction des émissions de CO2 à la tonne transportée, des nuisances (bruit, accidents, etc.) et de la congestion des réseaux routiers.

Navigation intérieure de fret

1/ L’exclusion des bateaux achetés ou exploités pour transporter des combustibles fossiles du bénéfice du Règlement, et ce même lorsqu’ils remplissent les critères de durabilité, va à l’encontre de l’objectif de report modal des engagements tant nationaux qu’européens de la France sur un mode vertueux du point de vue environnemental et de la sécurité. En outre, une telle exclusion mettra potentiellement en danger les chaînes industrielles et logistiques d’approvisionnement de carburants en Europe, et sur le Rhin. En outre, il est incohérent de pénaliser le fournisseur de transport plutôt que le donneur d’ordre.

Cette exclusion doit être supprimée dans les actes délégués (tant dans les chapitres ayant trait à la production qu’au transport) : annexe I,  par. 3.3., 6.8  et 6.9.

2/ Les critères tels que décrits sous 1. a) et b) à l’article 3.3., 6,7., 6.8. et 6.9. ne sont pas adaptés. La méthodologie adoptée devrait pouvoir inclure dans cette classification les technologies les plus vertueuses disponibles ou permettre des gains environnementaux significatifs sans nécessairement avoir une neutralité carbone complète.

Les options proposées visant le zéro émission CO2 en sortie directe d’échappement excluent l’utilisation de carburants renouvelables et à faible émission de carbone. Ces carburants sont pourtant la seule et unique solution de transition permettant une diminution significative des émissions de GES. Ces carburants peuvent être produits à l’aide d’énergies renouvelables : déchets, matières biologiques ou même directement d’eau et d’air.

Nous proposons une autre option permettant d’inclure dans la Taxonomie les équipements fonctionnant avec des carburants quels qu’ils soient répondant à des exigences minimales en termes de GES.

Il est en toute hypothèse nécessaire de s’assurer que la liste des énergies zéro émission citée n’est pas exclusive lorsque l’on peut en citer d’autres.

C’est pourquoi nous demandons une révision des actes délégués conformément à l’article 19 sous-5 du règlement taxonomie (UE) 2020/852 afin d’inclure des critères de classification adaptés à notre secteur.

Infrastructure

En vertu des actes délégués, l’utilisation des voies navigables n’est qualifiée de durable que pour les bateaux zéro émission. Cela va là encore à l’encontre de l’objectif global de report modal.

Il est donc crucial d’inclure les voies navigables intérieures dans les critères de contrôle de l’acte délégué (annexe I, article 6.16., voir entrée INE) ainsi que d’inclure les systèmes d’entretien et de gestion du trafic parmi les activités considérées (annexe I, article 6.15., voir entrée INE).

Clause de révision

La limitation au 31 décembre 2025 n’est pas adaptée au processus de transition énergétique tel qu’il est engagé notamment par les États membres de la Commission Centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) au travers de l’Acte de Mannheim (engagement international signé en 2018 par la France).

Une clause de révision doit être prévue avant 2025 afin de :

• Tirer parti des travaux réalisés dans le cadre de Platina III financé par l’UE et de l’élaboration d’une étiquette énergétique au niveau du CCNR pour les bateaux. Ces travaux devraient aboutir en 2022 pour une mise en œuvre effective d’un label soit européen soit rhénan en 2024-2025 ;

• Clarifier les définitions des termes employés par la Commission européenne afin d’éviter une application trop stricte et préjudiciable pour la transition énergétique du secteur car les concepts ne sont pas toujours bien définis (les notions « hybrid », « normal operation » et « dedicated »).