Une première édition réussie pour le « Medlink Solution Day »

Medlink Ports a organisé une matinée d’échanges autour du thème du report modal de la route vers le fluvial et le ferroviaire sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée. Quels sont les freins à lever ? Comment renverser la tendance de l’érosion constante du transport fluvial sur cet axe alors que l’infrastructure est disponible ? E2F participait à l’évènement, vous trouverez ci-dessous une synthèse des échanges.

« Medlink Solution Day est un espace de dialogue, de présentation d’actions concrètes pour voir comment renforcer la part des modes massifiés sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée », a dit Thomas San Marco, président de Medlink Ports et délégué général de la Compagnie nationale du Rhône, en introduction de la première édition de ce nouvel évènement organisé à Lyon, le 11 septembre 2023.

Comment renverser la vapeur ?

Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, coordinatrice du bassin Rhône-Saône-Méditerranée, a rappelé « l’ambition portée par le Président de la République » : le projet d’un grand port fluvio-maritime de Marseille à Lyon. Elle a indiqué « la volonté de l’État d’œuvre à donner corps à ce projet mais l’État ne peut pas tout faire seul ». Le « Medlink Solution Day » constitue « un jalon de mobilisation pour un plan de développement de l’axe », qui est aussi l’objectif du projet de grand port de Marseille à Lyon.

Elle a rappelé les résultats de la réunion du conseil de coordination interportuaire et logistique (CCIL) de l’axe Rhône-Saône-Méditerranée le 24 mai 2023 autour de deux axes :

  • une mobilisation autour du foncier avec la réalisation d’un catalogue, qui sera sans doute disponible à la mi-2024, et d’un schéma directeur qui doit permettre d’identifier les terrains disponibles pour l’accueil d’implantations industrielles et logistiques et renforcer l’attractivité commerciale ;
  • dynamiser le fret fluvial et plus particulièrement la filière des conteneurs.

Au premier semestre 2023, le trafic a continué à diminuer sur cet axe avec -10% par rapport à la même période de 2022 et un repli de -35% par rapport à 2019. « Comment renverser la vapeur ? Comment créer un choc d’offre ? » a interrogé la préfète qui a poursuivi en listant les autres mesures du CCIL de mai :

  • aménagement des terminaux à Marseille-Fos pour fluidifier l’accueil des barges ;
  • mise en place de services conteneurisés fluviaux plus réguliers et plus fréquents ;
  • ressources financières de 100 millions d’euros dans le cadre du CPIER 2023-2027. Il y a les aides directes de VNF pour des expérimentations (PARM). La CNR entend financer un rapatriement de cales de bateaux sur le Rhône en contrepartie d’engagements de trafics ;
  • digitalisation avec le déploiement entre 2024 et 2025 du Cargo Community System (CCS) Ci5 sur l’ensemble de l’axe afin de créer une communauté digitale, faciliter les opérations douanières.

Une nouvelle réunion du CCIL est prévu le 1er décembre pour « d’autres initiatives pour améliorer la visibilité de l’offre, garantir les conditions de la confiance vis-à-vis de la fiabilité des modes de transport massifiés auprès des entreprises qui seraient prêtes à utiliser la navigation intérieure », selon la préfète.

Pourquoi le fluvial ne marche pas sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée ?

La raison de la chute du trafic fluvial au premier semestre 2023 se trouve, certes, du côté de l’interruption de navigation pendant un mois sur le Rhône en lien avec les grèves contre la réforme des retraites. Mais le recul constant du trafic sur le bassin au cours des années précédentes ne s’explique pas aussi aisément.

« Mon désarroi, c’est pourquoi cela ne marche pas le fluvial sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée ? Depuis 5 ans, les trafics stagnent voire diminuent. Quelles sont les raisons de cette particularité ? a relevé Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France. L’infrastructure ? c’est l’une des meilleures ! même s’il y a l’absence du grand gabarit pour relier le bassin au Nord de l’Europe. Les investissements ? il n’y a pas forcément de retard. L’engagement des acteurs ? il y a une intégration avec Medlink Ports. Il y a aussi une sorte de gouvernance. Pas de port maritime ? Il y a Marseille. La concurrence du ferroviaire ? VNF et SNCF Réseau travaillent ensemble. La raison, c’est sans doute un sujet d’offre, sa visibilité, une méconnaissance du rôle fleuve. Pourquoi ne pas se donner un objectif chiffré pour passer de la bonne volonté à la réalité opérationnelle ? ».

« Pourquoi le trafic ne décolle pas ? Il n’y a pas assez d’opérateurs économiques pour qu’il se développe, pas assez d’investissements privés. Nous sommes toujours sur des investissements publics, sur les modèles portuaires publics. Cette situation crée une difficulté dans un monde concurrentiel », a ajouté Cécile Avezard, directrice Rhône-Saône de VNF. Pour elle, la remise en concurrence pour plusieurs concessions sur le Rhône et la Saône peut être une opportunité, en plus de l’avantage environnemental des modes massifiés.

Pour une meilleure visibilité de l’offre

« Pour nous, le rail ou la barge, c’est « green » par rapport à la route, a dit Emmanuel Delachambre pour CMA CGM, rappelant aussi la décision de cet armateur sur le surcoût de la manutention fluviale. 60% de nos volumes sur l’axe prennent la barge, c’est un pallier. Sachant que de Marseille à Lyon, soit 300km, le poids lourd est performant. Nous essayons de développer des collaborations à Mourepiane pour le ferroviaire, à Fos pour le fluvial. Nous sommes intéressés par le renouvellement de la concession à Lyon. Nous concentrons nos volumes, nous avons besoin de transit time performant et de fréquence avec les modes massifiés. Notre objectif est d’atteindre une part de 80% au lieu de 60% aujourd’hui. Pour y parvenir, une meilleure visibilité de l’offre et du prix est nécessaire pour emporter la conviction du client ».

Concernant le ferroviaire, l’avis est implacable : « Pour un groupe comme CMA CGM qui a une vision internationale, la France n’a pas le niveau d’investissement pour avoir une infrastructure ferroviaire digne de ce nom. La puissance publique doit continuer à investir sur ses réseaux ».

« Notre objectif est de parvenir à une part de 40% par le rail et la barge à la fin 2024, nous sommes déjà à 30% sur l’axe lyonnais. Il faut savoir que la barge avec les pré- et post-acheminements n’est pas moins cher que la route. Le ferroviaire est plus favorable : la fréquence, la rapidité sont plus faciles pour réaliser un report modal depuis la route, surtout à l’export », a indiqué Géraldine Staron, responsable régionale de Bolloré Logistics. Elle a aussi évoqué le rôle d’un commissionnaire de transport pour l’acculturation au report modal vers le ferroviaire et le fluvial et la problématique du repositionnement des conteneurs vides. 

« Le transport fluvial est le moins aidé, et le plus coûteux avec les surcoûts de manutention », pour Fabien Combronde, du groupe éponyme.

« Nous sommes devenus membre de Medlink Ports comme armateur, il a fallu un peu insister pour entrer, a déclaré Claus Ellemann-Jensen, directeur général de Hapag Lloyd France. Nous sommes un pure player, nous travaillons avec des spécialistes pour les transports routier, ferroviaire, fluvial. Nous investissons, nous prenons des risques, nous perdons de l’argent. Le premier semestre 2023 n’est pas le meilleur pour parler de l’avenir avec un repli des volumes de 4% en lien avec les conflits sociaux. Mais il faut tenir bon, persévérer. Marseille-Fos n’est plus le maillon faible, il y a de la fluidité. Il n’y a pas de solution magique mais la coopération, les échanges entre les différents acteurs est la voie à suivre. Les clients regardent les coûts, les solutions « vertes » marchent. C’est à nous de convaincre ».

Source : NPI