LOI D’ORIENTATION DES MOBILITÉS : ce qu’elle change pour les acteurs du secteur

Depuis la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs de 1982 complétée en 2009 par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement qui fixait notamment « les orientations de l’État en matière d’entretien, de modernisation et de développement des réseaux relevant de sa compétence » la politique nationale des transports n’a fait l’objet d’aucune texte législatif d’envergure. La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités marque donc une étape importante pour la politique nationale des transports. Le secteur pouvait légitimement prétendre à un meilleur traitement.

Le projet initial, axé sur les mobilités du quotidien, a été enrichi par de nombreux amendements et son champ englobe désormais aussi le transport de marchandises, et le transport fluvial en particulier, un sauvetage in extremis.

Le titre I de la Loi (et le rapport annexé) traite de la programmation et du financement des infrastructures avec pour le transport fluvial :

  • L’accent mis sur les investissements, avec l’augmentation des crédits de l’AFITF pour le budget d’investissement d de VNF qui passeront de 110 M€/an entre 2019 et 2022 à 130 M€/an entre 2023 et 2027 et la validation de la préconisation du COI d’affecter 330 millions d’euros sur 10 ans pour la modernisation des méthodes d’exploitation. Sur ce point le compte n’y ait pas, le scénario de référence de la profession étant de 245 M€ par an ;
  • Le soutien aux projets de développement des infrastructures, en premier lieu le Canal Seine Nord Europe et tous les projets qui lui sont liés, l’aménagement de la Lys mitoyenne, la mise au gabarit européen de l’Oise (MAGEO), l’aménagement à grand gabarit de la Seine amont pour renforcer le réseau navigable du bassin de la Seine. Rien sur le reste du réseau, un oubli fâcheux.

En outre il acte la création du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) (Article 3).

Le titre II de la Loi traite des questions de gouvernance en matière de mobilité, ainsi les plans de mobilités, de la compétence des communes, pourront intégrer un schéma de desserte fluviale identifiant notamment les quais utilisables pour les transports urbains de marchandises et de passagers par la voie d’eau (Article 16), mais sans obligation.

Le titre V traite des simplifications et mesures diverses et notamment de l’amélioration de la compétitivité du transport maritime et fluvial.

Concernant les ports maritimes, les conventions de terminal des grands ports maritimes pourront prévoir que le montant de la redevance due comporte une part dégressive en fonction du trafic et de la performance environnementale générée par l’opérateur concerné, notamment lorsqu’il contribue au report modal (Article 131), alors qu’Entreprises fluviales de France plaidait pour l’imposition de parts modales minimum pour le fluvial et l’alignement du régime des THC.

Par ailleurs, la création d’Haropa en tant qu’entité unique est précisée, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la Loi toutes mesures relevant du domaine de la loi pour créer un nouvel établissement public placé sous la tutelle de l’État résultant de l’intégration du grand port maritime du Havre, du grand port maritime de Rouen et du port autonome de Paris (Article 130).

S’agissant du transport fluvial stricto sensu, la régionalisation de la société du canal Seine-Nord est actée avec la création d’un établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé “Société du Canal Seine-Nord Europe” (Article 134).

En outre un certain nombre de mesures de nature à améliorer la compétitivité du transport fluvial pourront être prises par ordonnances (Article 135) afin de :

  • Permettre les expérimentations de bateaux autonomes ;
  • Simplifier les conditions de délivrance des titres de navigation, des certificats d’immatriculation et de jaugeage ;
  • Soumettre à agrément les organismes de contrôle privés intervenant dans le cadre de la délivrance des titres de navigation et de préciser les tâches qui leur sont confiées ;
  • Prendre les mesures nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2017/2397 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la navigation intérieure et abrogeant les directives du Conseil 91/672/CEE et 96/50/CE ;
  • Renforcer les conditions d’accès à la profession de transporteur public fluvial de personnes ;
  • Prévoir des conditions d’obtention des titres de conduite de bateaux et des règles de conduite de bateaux spécifiques à la Guyane.

Sur ce point, E2F salue la volonté de l’administration centrale de vouloir moderniser le cadre règlementaire d’exercice applicable.

Concernant Voies navigables de France, il est prévu que l’établissement conclut avec l’État un contrat d’objectifs et de performance (COP), actualisé tous les trois ans pour une durée de dix ans (Article 148), une mesure saluée par E2F.

En outre la gestion du domaine public fluvial est considérablement assouplie, avec le transfert en pleine propriété du domaine public fluvial à VNF, la possibilité offerte de créations de filiales et de transfert du domaine à un Syndicat Mixte Ouvert (Article 135). Une bonne chose pour E2F qui regrette que le législateur ne soit pas aller plus loin en refusant d’instaurer un droit de préemption au profit de VNF.