Carburants alternatifs au gazole, de quoi parle-t-on ?

Dans le cadre de son plan d’action, des travaux de la Région Hauts-de-France et de la REV3, mais aussi des engagements liés au paquet « fit for 55 » Norlink travaille, avec ses membres, à la création d’un écosystème régional favorable à la transition énergétique du transport fluvial. Pour y arriver c’est une démarche double et très concrète portant à la fois sur les infrastructures et les réponses concrètes aux problématiques opérationnelles qui est menée.

Une première étude vient de se conclure sur l’utilisation des biocarburants en navigation intérieure, deux autre études sont en cours sur le foncier et les diagnostics énergétiques. Norlink et ses adhérents participent également à la création d’un schéma directeur régional des avitaillements alternatifs.

L’étude sur les biocarburants permet de tirer des premières conclusions sur les pistes d’amélioration de l’empreinte environnementale du fluvial sans avoir à faire de modification sur les motorisations actuelles et répondre au plus vite à l’enjeu environnemental. La Région Hauts-de-France semble d’ailleurs très bien placée pour tirer son épingle du jeu sur ce sujet avec de nombreux projets liés à la biomasse dont on pourrait tirer du biocarburant à termes.

La mission s’articulait autour de deux thématiques :

  • Les Quick Wins : Comment réduire l’empreinte carbone et les émissions de gaz à effet de serre du transport fluvial, rapidement et sans modification substantielle de la motorisation ou de la configuration des embarcations ;
  • Une vision plus long terme : Travailler sur l’analyse de carburants alternatifs et en particulier analyser les usages de l’hydrogène pour le fluvial.

Les biocarburants présents sur le marché :

Il existe aujourd’hui 3 biocarburants disponibles sur le marché français et européen de proximité (Benelux/Allemagne).

Comparaison de leurs émissions de CO2 et de polluants :

  • Présentation du B100 :

Production : il n’y a pas un mais des B100 dont la qualité varie selon le producteur. Une grille de notation (1 à 5) a été établie par Volvo. La plus grosse part de marché en France est détenue par Oléo100. Un producteur en Hauts-de-France : NordEster à Dunkerque (filiale de la société DAUDRUY).

Coût : le Prix de B100 est supérieur au GNR mais l’écart de prix dépend du fournisseur, de sa taille et de la taille du client. Les zones de production les plus proches d’Oleo100 sont à Rouen et en Seine-et-Marne. Le coût du transport est à analyser en termes de surconsommation, l’estimation est entre 2 et 3% par rapport au GNR selon les utilisateurs.

Usage pour le transport fluvial :
– Moteur antérieur aux normes Stage V : le B100 peut être utilisé en remplacement du GNR et ce sans modification technique. La seule obligation est le nettoyage des soutes de GNR et le changement des filtres à carburant. Une expérimentation a été réalisée avec CFT sur 6 mois en 2020 : GNR substitué par de l’Oleo100. D’un point de vue technique, l’utilisation du B100 s’est révélée transparente : aucune déperdition de puissance ou de réactivité, aucun problème
de maintenance, ni d’usure prématurée ou de dilution dans l’huile moteur.
Moteur aux normes Stage V : à ce jour les moteurs Stage V ne sont pas homologués pour l’utilisation du B100. En effet, chaque B100 étant différent, il faut une homologation par B100. Oleo100 travaille à une homologation stage V sur les moteurs Caterpillar

Conclusion sur le B100 : les résultats de l’étude ne préconisent pas ce carburant pour le transport fluvial car le ravitaillement ne se faisant pas toujours au même
endroit, il est difficile pour les bateliers de s’assurer d’une qualité constante du B100 (des bateliers néerlandais ont eu de gros problèmes avec du B100 de piètre qualité) ; tant que le sujet de l’homologation des moteurs stage V pour les B100 ne sera pas réglé, il y aura une véritable épée de Damoclès sur ce biocarburant.

  • Présentation de l’HVO100

Production : ce biocarburant est produit en raffinerie. En France, c’est Total qui le produit, sur un seul site, La Mède près de Marseille. Un second site, Grandpuits, sera ouvert en 2024. Il devrait être produit à partir de 2025 avec de l’hydrogène verte, dans le cadre du projet Marsylia. Cela réduira encore plus son empreinte carbone. Aujourd’hui, cet HVO est produit à partir d’huile de palme : sujet très sensible. Total mise beaucoup sur l’HVO comme bioKerozène pour le verdissement du transport aérien. La production pourrait être majoritairement, voire exclusivement, dédiée à ce secteur.

Coût : le coût de fabrication étant plus élevé, l’HVO (avant TICPE) coûte autour de 20 à 25% plus cher que le GNR. Le coût de distribution de Total est élevé en raison de l’unique site de production à Marseille, mais aussi des dépôts qui ne sont que sur le Havre et la Seine-et-Marne. En termes de surconsommation, l’estimation est entre 3 à 4% par rapport au GNR selon les utilisateurs.

Usage pour le transport fluvial : ce biocarburant n’a encore jamais été utilisé dans le transport fluvial. Mais concernant les moteurs antérieurs ou aux normes Stage V : l’HVO a toutes les caractéristiques d’un GNR, il est donc sur tous les moteurs, y compris les Stage V ; tous les motoristes l’ont homologué y compris Scania ; il n’y a aucune modification ni réglage particulier à mettre en œuvre.

Conclusion sur l’HVO100: les résultats de l’étude ne préconisent pas ce carburant pour le transport fluvial car même si c’est l’un des meilleurs biocarburants en termes de réduction d’impact CO2 et GES, ses difficultés de production et de distribution, ainsi qu’un coût d’achat très élevé par rapport au GNR, le rendent
inaccessible pour une profession dont les marges sont faibles.

  • Présentation du GTL (Gas To Liquid) :

Production : ce biocarburant est produit en raffinerie. Il est essentiellement produit par Shell, pour le marché français, mais également pour le reste
de l’Europe. Shell possède au Qatar le plus gros site de production de GTL, qui fournit 8% de la demande mondiale.

Coût : en termes de surconsommation, l’estimation est autour de 3 à 4%, par rapport au GNR selon les utilisateurs. En termes de distribution pour le fluvial, le GTL
est principalement distribué par AS Energy. Il est annoncé un surcoût plus faible que le B100 et l’HVO.

Usage pour le transport fluvial : c’est le biocarburant le plus utilisé dans le domaine fluvial. Le GTL, comme l’HVO a toutes les caractéristiques d’un GNR : il est donc sur tous les moteurs, y compris les Stage V ; tous les motoristes l’ont homologué ; il n’y a aucune modification ni réglage particulier à mettre en œuvre.
Le GTL utilisé dans le milieu fluvial est principalement produit par Shell.

Conclusion sur l’HVO100: les résultats de l’étude préconisent ce carburant pour le transport fluvial car mMême s’il est d’origine fossile, l’IFP Energies Nouvelles
(IFPEN ex Institut Français du Pétrole) est très positive sur ce biocarburant, car il présente un comportement et des propriétés excellents, en particulier sur la réduction des particules et des NoX. Il est d’une utilisation ne nécessitant aucune modification moteur, qu’il soit utilisé pur ou en mélange avec du GNR. Ses qualités sont les mêmes, que le ravitaillement ait lieu en France, au Benelux ou en Allemagne et son surcoût est inférieur au B100 ou à l’HVO100.

  • Point sur un biocarburant non présent sur le marché : BTL (Biomass To Liquid) :

Production : le BTL est produit aujourd’hui en Scandinavie. Il est issu du bois de l’industrie papetière. L’ensemble de la production est écoulé localement.

Coût : il est clair qu’une fois disponible, ce biocarburant sera le plus performant sur le marché, la question sera « à quel coût » ?

Usage pour le transport fluvial : selon Gaetan Monnier, Responsable du Centre de Résultat Transport de l’IFPEN (ex Institut Français du Pétrole) : il n’y a aucun moyen de s’approvisionner en France en BTL, car il n’y a ni raffinerie ni offre associée ; des discussions seraient en cours pour la 1ère industrielle de cette
technologie sur le sol français ; cette offre ne sera disponible qu’à moyen terme (minimum 5 ans) car si la technologie est disponible, le bouclage du financement puis la construction prendront du temps.


En parallèle sont menés des diagnostics énergétiques sur cinq bateaux de la région afin de réaliser (dans des conditions réelles) une cartographie de pertinence des carburants alternatifs en fonction de la typologie de flux ou des profils de navigation. Les résultats de cette étude seront connus d’ici quelques mois et permettront, dans une deuxième phase de lancer concrètement la conversion de quelques unités aux énergies alternatives aussi bien sur le bassin Hauts-de-France que sur d’autres.

Enfin, une étude fine, menée avec les agences d’urbanisme de la région sur les fonciers disponibles en bord à voie d’eau pourrait permettre de circonscrire les meilleurs espaces sur lesquels pourraient s’installer des infrastructures d’avitaillement alternatif qui pourraient être utilisés aussi bien par le fluvial que le ferroviaire ou le routier.