Vers un renfort de coopération des Régions sur l’Axe Seine ?

Alors que la coopération entre l’Ile-de-France et la Normandie a jusqu’ici été très limitée, les présidents des deux conseils régionaux ont parlé d’une seule voix pour défendre leur place dans Haropa. Ils préparent également des projets communs.

Une initiative bien tardive au regard de l’état d’avancement de la préfiguration...

En janvier 2017, Valérie Pécresse et Hervé Morin signaient un programme de coopération interrégionale en sept axes pour le développement de la Vallée de la Seine. Le 23 avril 2021, les deux présidents se retrouvaient côte à côte dans l’hémicycle du conseil régional de Normandie, à Rouen, pour demander à être mieux représentés au sein du futur conseil de surveillance d’Haropa. Entre ces deux événements, les actions communes ont été rares.

« La convention de coopération signée début 2017 a été très vite sapée par le gouvernement qui a pris la main sur Haropa, explique Hervé Morin. Nous avons voulu construire un modèle régionalisé mais l’État en porte un autre. » Valérie Pécresse estime que « bien que les deux Régions n’aient pas vocation à fusionner – car les enjeux de la Seine-Saint-Denis ne sont pas ceux de l’Orne ou de la Seine-Maritime, ni ceux de la Seine-et-Marne -, il est des sujets sur lesquels il n’y aurait aucun sens à avancer chacun dans son couloir ».

C’est le cas en matière de ferroviaire, domaine dans lequel des travaux ont été menés de concert. « Nous avons échangé afin de libérer des sillons, notamment pour l’accès à Saint-Lazare et sur le saut de mouton à propos duquel l’Ile-de-France ne s’oppose plus désormais. Elle nous laisse faire car elle a d’autres priorités en matière de transport », observe le président normand. Pilotées par SNCF réseau, les études pour réaliser cette infrastructure – qui doit permettre à deux voies de se croiser – à Clichy (Hauts-de-Seine) ne sont d’ailleurs pas financées par l’Ile-de-France à ce stade. E2F attend la même cohésion sur le projet Seine-Escaut.

Le financement de la LNPN à boucler

Le financement de ce saut de mouton est en revanche prévu dans le cadre du nouveau contrat de plan inter-régional État-Régions (CPIER) Vallée de Seine en cours de discussion avec les deux exécutifs. « Par symétrie avec ce qu’il se passe sur les CPER, nous attendons encore les orientations de l’État sur ses ambitions en matière de transport », rappelle la présidente de l’Ile-de-France.

Cet accord avec l’État va permettre de porter d’importants investissements pour les infrastructures portuaires (au bénéfice d’Haropa) et ferroviaires, dont les études et premières étapes de la Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN). Le sujet financier pour cette dernière est donc aussi d’actualité puisqu’un bouclage doit en théorie être finalisé avant l’enquête publique prévue en 2024.

Dans le CPIER, « certains sujets prioritaires pour l’avenir sont partagés comme la réindustrialisation par la valorisation des friches ou la restauration des continuités écologiques, en particulier autour du système hydrographique et des trames vertes et bleues, signale Valérie Pécresse. Autant de sujets sur lesquels la région Ile-de-France est déjà active mais pour lesquels une approche autour de l’axe Seine fait sens. »

Une action des métropoles qui fait réagir

Autant de coopérations qui avancent généralement de manière confidentielle. Pour provoquer une mobilisation publique commune, il a fallu que le gouvernement décide de donner trois sièges aux métropoles du Havre, de Rouen et du Grand Paris contre deux aux Régions dans le conseil de surveillance d’Haropa. La rencontre d’Anne Hidalgo et d’Edouard Philippe, invités par Nicolas Mayer-Rossignol en février dernier à Rouen, avait toutefois déjà donné lieu à une réaction de Valérie Pécresse et d’Hervé Morin, qui avaient alors signé un texte collectif dans La Tribune.

« L’initiative des métropoles n’est que des mots pour le moment, ils pourront agir en matière d’urbanisme, mais sur les infrastructures, cela ne se fera pas sans les Régions », commente aujourd’hui Hervé Morin.

La relation entre l’Ile-de-France et la Normandie pourrait se renforcer autour d’un nouveau thème : l’hydrogène. Avec l’ambition de faire émerger un « corridor » pour cette énergie le long de la Seine et de devenir la « référence européenne » en la matière. « L’idée est d’avoir une stratégie globale, dont un des besoins est le transport fluvial, relève l’élu normand. Les points d’approvisionnement devront être bâtis ensemble. » Valérie Pécresse marque aussi son intérêt pour le projet : « L’Ile-de-France, 30 % de l’économie nationale, va concentrer les usages et les besoins mais on ne pourra faire de l’hydrogène vert qu’en sécurisant les bonnes sources d’énergie et donc en partenariat avec nos voisins, au premier rang desquels nos amis normands. »

Des zones franches le long de la Seine ?

Au-delà de cette question, les deux collectivités s’intéressent à la mise en place de zones d’activités logistiques et d’industries d’excellence le long du fleuve, à l’instar des ports francs développés en Angleterre, « pour favoriser l’implantation des entreprises sur les zones portuaires, avec une fiscalité adaptée, en conditionnant leur implantation à des critères d’exigence en matière environnementale ».

Également sur la table, selon les conseils régionaux, la création d’un « schéma de cohérence logistique afin notamment de sécuriser, sur le long terme, une offre foncière logistique qualitative ». Un aspect inscrit dans la convention de 2017 sur lequel il n’y a pas eu d’actions concrètes, hormis quand chacune des deux collectivités s’est assurée de la cohérence de leurs stratégies respectives votées en la matière.

Une nouvelle impulsion politique nécessaire

« L’axe Seine offre une formidable opportunité en termes de logistique fluviale, considère l’élue francilienne. Pour que cela marche, il faut qu’il offre des solutions de bout en bout et une qualité de service comparable de Nogent-sur-Seine jusqu’au Havre. C’est la raison pour laquelle nous soutenons le projet de mise au grand gabarit entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine. » Et d’ajouter : « Toutefois, on ne rentabilisera le fluvial que si l’on arrive à avoir une logistique du dernier kilomètre extrêmement efficace et à en réduire l’empreinte carbone. »

De nouvelles ambitions qui pourraient renforcer la coopération entre les Régions. A l’heure du second CPIER, de la fusion des ports de l’axe Seine et alors que les métropoles et les intercommunalités s’organisent pour agir ensemble, un mouvement commun entre l’Ile-de-France et la Normandie offrirait une impulsion politique utile pour donner une nouvelle dimension à ce territoire.