Canal du Rhône à Sète : E2F se positionne

Le canal du Rhône à Sète porte une double vocation : économique et touristique. Cette infrastructure, longue de 68 km entre le Gard et Sète et qui traverse des zones naturelles remarquables, a aussi un rôle écologique majeur. Une concertation territoriale vient d’être lancée en vue du prochain Contrat de Plan Interrégional État-Régions (CPIER), afin d’examiner les orientations possibles pour le devenir de cette voie navigable :  quels travaux faut-il envisager pour le restaurer ? Faut-il abandonner le fret et privilégier le tourisme ?

Suite aux deux ateliers fret et tourisme auxquels Entreprises fluviales de France a participé, vous trouverez ci-dessous la position de la fédération concernant l’avenir du canal du Rhône à Sète.

E2F partage le constat sur le déclin du trafic fluvial sur le CRS

Comme le montre le rapport du CGEDD le trafic sur le canal est passé de 171 000 tonnes en 2000 à un maximum de 440 000 tonnes en 2005 puis est redescendu à 244 000 tonnes en 2018. Les objectifs de trafic, 1 000 000 tonnes envisagés dans le programme de modernisation du canal de 2010 n’ont clairement pas été atteints.

Les causes que l’on peut avancer sont les suivantes :

  • Les travaux réalisés ont permis de passer de bateaux d’un emport de 1 000 à 1 400 tonnes, contre 2 500 tonnes visés à l’origine ;
  • Les trafics sur le CRS ne sont pas équilibrés, d’où les retours à vide ;
  • Plus récemment les conditions de navigation sur le CRS (mouillage réduit, allongement des temps de parcours) ont dégradé la compétitivité du mode fluvial.

L’ensemble de ces éléments ont conduit les chargeurs, faute de visibilité sur l’avenir du canal, à arbitrer en faveur d’un autre mode.

L’intérêt de maintenir une fonction « fret » au CRS n’en demeure pas moins pertinente

Le canal est un maillon du réseau fluvial du bassin Rhône Saône, il participe à la constitution d’une offre fluviale globale sur le bassin, sa suppression serait un très mauvais signal vis-à-vis des utilisateurs actuels ou potentiels de la voie d’eau.

Le canal est un outil multimodal du port de Sète, complémentaire du ferroviaire, générateur de trafics maritimes et d’activités économiques, contribuant à l’attractivité du port.

Au final, les clients actuels du port et ceux qui ont des projets à l’étude, les acteurs portuaires du réseau Rhône Saône, les transporteurs fluviaux seraient pénalisés. Avec des répercussions sur l’organisation des chaines logistiques et une augmentation des prix de transport.

Au moment où la question de la transition écologique devient un enjeu essentiel, les atouts écologiques du transport fluvial sont plus que jamais pertinents pour verdir les chaines logistiques.

Les conditions pour développer le fret fluvial sur le CRS

Les premiers résultats présentés de l’étude socio-économique montrent :

  • Qu’un scénario à 1 400 t induirait en hypothèse haute un trafic de 400 kt à l’horizon 10 ans et 600 kt au-delà ;
  • Qu’un scénario à 1 800 t induirait en hypothèse haute un trafic de 550 kt à l’horizon 10 ans et 1 100 kt au-delà ;
  • Qu’un scénario à 2 500 t induirait en hypothèse haute un trafic de 1 300 kt au-delà de 10 ans.

Nous avons bien noté :

  • Que l’étude socio-économique est incomplète à ce stade : Il manque la valorisation des externalités, le bilan par type d’acteurs, les VAN des différents scénarii, les TRI ;
  • Que les enjeux environnementaux, protection du milieu naturel, réutilisation et valorisation des boues de dragages, impact du réchauffement climatique sur la viabilité à terme de l’infrastructure devaient nécessairement être prise en compte.

S’agissant du tourisme fluvial :

  • Hormis la question des paquebots croisières (110 m x 11,40 m x (2,00 m) mais avec un tirant d’air à 6 m, le gabarit envisageable pour les bateaux de fret sera compatible pour tous les bateaux à passagers ;
  • L’arrêt total du fret fluvial sur le canal risquerait de conduire à terme à une fermeture du canal à la navigation touristique faute d’investissement et d’entretien de l’infrastructure ;
  • L’ouverture aux bateaux de croisières nécessiterait le relèvement de plusieurs ponts ;
  • La cohabitation harmonieuse et en toute sécurité de la navigation de commerce et la plaisance s’organise (formation, informations de localisation avec le SIF, zones de croisement, etc).
Les conditions de validation du scénario 1 800 tonnes

Pour E2F c’est le scénario 1 800 t (bateau 110 m x 11,4 m x 2, 50 m) qu’il faut privilégier :

  • La cale actuelle disponible pour ce gabarit permet d’assurer une rentabilité minimale aux transporteurs et donc de rendre le fluvial compétitif sur le CRS ;
  • 90 % de la flotte du bassin pourra naviguer sur le canal ;
  • Ce scénario n’obère pas, en cas de succès et dans une deuxième phase, la réalisation de
    l’option 2 500 t.

Plusieurs conditions sont néanmoins requises selon E2F pour la réussite de ce scénario :

  • Engagement des chargeurs sur les trafics à mettre sur la voie d’eau ;
  • Mise à niveau des infrastructures sur le port de Sète (outillage de manutention, bornes électriques) ;
  • Incitations au report modal (aides à la rupture de charge, obligation des amodiataires du port, politique de maintien des fonctions logistiques du foncier en bord à voie d’eau).

A ce titre les mesures suivantes pourraient spécifiquement être mises en œuvre permettant au transport fluvial de gagner en compétitivité :

  • Aide à la pince pour le chargement des vracs solides et liquides ;
  • Exonération de TICPE pour les kilomètres parcourus par les poids lourds réalisant les pré et post acheminement dans le cadre d’une chaîne de transport multimodale ;
  • Exonération du péage perçu par VNF pour les transporteurs, comme en Wallonie où les droits de navigation ont été supprimés en 2006 pour accompagner le développement du transport fluvial ;
  • Aide à la décarbonation des transports en proposant des avantages fiscaux aux entreprises utilisant le fluvial, calculés sur la base de l’évaluation des gains de coûts externes générés par le report modal (estimés au moyen de l’écocalculateur EVE de Voies navigables de France) ;
  • Création d’un label « transporté par voie fluviale » pour mettre en valeur les chargeurs qui font l’effort de contribuer au report modal.