Alliance Seine-Escaut : dans l’ombre, ils œuvrent pour le succès du canal Seine-Nord Europe

Si le chantier du canal Seine-Nord Europe a débuté en octobre dernier, son aboutissement n’est pas encore garanti. Hommes politiques, décideurs et autres influents œuvrent dans l’Alliance Seine-Escaut pour en assurer la réussite.

Le canal Seine-Nord Europe n’a pas manqué d’être irrigué, ces dernières années, d’annonces d’hommes d’Etat, des discours d’élus locaux ou encore de réunions publiques menées par le promoteur (la Société du Canal) ou les collectivités (Région ou communautés de communes). Mais c’est bien grâce aux influents que le projet est devenu chantier en 2022. L’objectif est désormais clair : tenir l’échéance de 2030 avec la maîtrise des coûts. Il faut y arriver malgré un contexte économique inflationniste, des décisions politiques parfois contraignantes, une transition écologique et une population inquiète face aux grands projets.

C’est tout le rôle de l’Alliance Seine-Escaut, une association qui regroupe des collectivités territoriales, des organismes socioprofessionnels, des entreprises, des chambres consulaires et des personnalités mobilisés autour de la réalisation de la liaison fluviale européenne Seine-Escaut, dont le cœur sera le canal Seine-Nord Europe. Cette association est présidée par le maire de Compiègne, Philippe Marini. Jeudi 25 mai, à Compiègne, à la Maison du Canal, les forces vives de l’association ont fait le point de leurs travaux lors de l’assemblée générale annuelle.

La bataille du foncier

La réussite du canal Seine-Nord dépendra des flux acheminés, par voie fluviale, vers les ports maritimes et qui transiteront par les ports intérieurs. Pour cela, il faut capter des investisseurs industriels et logistiques autour de ces ports. Le gouvernement mène deux objectifs ambitieux : réindustrialiser la France et décarboner le pays. De quoi réjouir les pro-canal ? Pas encore. La France ne veut plus artificialiser les terres avec un horizon à zéro en 2050, ce qui rend les perspectives de développement économique beaucoup plus complexes. Valérie Létard, sénatrice du Nord, et Jean-Baptiste Blanc (Vaucluse) œuvrent pour « que les grands projets structurants fassent l’objet d’une comptabilisation séparée » afin que les collectivités locales gardent toujours des capacités foncières à offrir à de nouveaux partenaires.

Assurer le financement

Dans son discours du 24 février, suite au rapport du Comité d’orientation des infrastructures, Elisabeth Borne a reconnu la nécessité « d’investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir la transition. » Si le réseau ferré va connaître un important soutien financier, le fluvial est encore dans l’expectative. La Première ministre a rappelé « la responsabilité budgétaire » qui la tient. Le bouclage financier du projet n’est pas fait, l’État doit encore l’assurer. À travers les opérateurs autoroutiers ? Le gouvernement y songe. Deux parlementaires picards (Julien Dive, député de l’Aisne et Jérôme Bascher, sénateur de l’Oise) mènent un intergroupe parlementaire Seine-Escaut pour obtenir des garanties et un soutien fort de l’État à l’approche de la deuxième phase du chantier qui va s’étendre de 2024 à 2027.

3 questions à Marie-Céline Masson, directrice territoriale Nord-Pas-de-Calais de Voies navigables de France (VNF) et gérante du Groupement Européen d’Intérêt Économique (GEIE) Seine-Escaut.

Quels sont les enjeux de la dotation européenne de 276 M€ annoncée en octobre 2022 ?

M-CM : Cette nouvelle subvention démontre la très grande confiance de l’Union européenne dans le projet Seine-Escaut, appelé à devenir le 1er réseau de transport fluvial à grand gabarit d’Europe (1 100km) : malgré un contexte économique contraint, elle a accordé la totalité des fonds sollicités et son soutien financier cumulé depuis 2007 aux
partenaires du GEIE approche désormais le milliard d’euros !

C’est un signal fort pour dynamiser le transport fluvial des biens et des personnes, pour favoriser le développement économique des territoires traversés et pour conforter notre résilience collective face aux impacts du changement climatique.

Quels sont les principaux travaux prévus en 2023 sur la liaison Seine-Escaut au débouché nord du canal SNE ?

M-CM : L’année 2023 marquera la fin de chantiers décisifs en Flandres et en Wallonie : la nouvelle traversée de Tournai par l’Escaut (avec la déconstruction-reconstruction des arches du Pont des Trous), la réouverture de l’écluse d’Auvelais (qui mettra fin à un goulet d’étranglement sur la Sambre) et l’achèvement des travaux sur le site de Vive-Saint-Bavon.

Dans les Hauts-de-France, VNF va lancer les travaux d’allongement de l’écluse de Quesnoy-sur-Deûle, la mise en place du système de téléconduite des écluses et la campagne de dragages sur la Lys-Mitoyenne.

2023 sera aussi l’année d’achèvement d’un chantier transfrontalier symbolique, réalisé en commun depuis 2020 par VNF et le Service public de Wallonie (SPW) : la remise en navigation du canal de Condé-Pommeroeul. La réouverture de ces 6 kilomètres de voies fluviales reliant la France à la Belgique, fermés à la navigation depuis 30 ans, offrira un nouveau débouché et un gain de temps au transport fluvial et aux bateaux de plaisance.

… et au débouché sud du Canal SNE ?

M-CM : Après l’obtention de la déclaration d’utilité publique (DUP) en 2022, le projet de VNF de mise au gabarit de l’Oise (MAGEO) entre Creil et Compiègne, devrait passer une nouvelle étape en 2023 avec le dépôt du dossier d’autorisation environnementale unique auprès des services compétents. Si cette autorisation est obtenue en 2024, les travaux sur le chenal pourront démarrer en 2025.

Plus en aval, sur la Seine, les travaux de modernisation et rénovation des barrages (Andrésy, Port-Mort, Poses) et des écluses (Champagne, Bougival, Méricourt) se poursuivront tout au long de l’année. L’écluse secondaire de La Cave, sur la Seine amont, a déjà été rouverte à la navigation en janvier, permettant d’améliorer les conditions du trafic fluvial sur un itinéraire à grand gabarit très fréquenté (11 000 passages de bateaux de fret/an, soit en moyenne 6 millions de tonnes transportées).