3 questions à Pascal Rottiers, président du Collège Artisans et vice-président d’E2F

Point de situation : pour les bateliers, la coupe est pleine !

E2F : Quel est le moral des bateliers ?

Pascal Rottiers : La situation économique est difficile entre inflation, manque de marchandises à transporter et arrêts de navigation.

La dérive inflationniste de nos coûts de structure tient en quelques chiffres. L’augmentation des prix des carburants (30 % des charges) normalement prise en compte dans les clauses gazole, mais qui ne l’est pas toujours, a été significative. Entre janvier 2021 et octobre 2023, les prix HTVA du gazole ont augmenté de 110 % pour les entreprises de transport fluvial.

L’augmentation des charges de personnel (30 % des charges) est significative, compte tenu des revalorisations et des tensions à l’œuvre sur le marché de l’emploi des capitaines et des matelots en navigation intérieure.

Les coûts d’entretien, de maintenance et de mise en chantier ont explosé de 20 à 60 %, sans compter les hausses de péages annoncées et redoutées par la Profession.
Les taux de fret eux stagnent.

Sur la question du réseau, quels sont les sujets principaux ?

Nous avons relevé sur la Seine (amont et aval) 35 arrêts de navigation (avarie d’ouvrage ou indisponibilité d’écluse) répertoriés sur les 12 derniers mois. En comptant les arrêts non répertoriés ce ne sont pas moins d’une centaine d’incidents qui sont à déplorer.

Nous tenons à relever en particulier dans la période récente la récurrence des incidents sur l’écluse de 185 m de Méricourt ainsi que sur divers ouvrages de Seine amont.

Les interruptions pour cause de préparation des JO ainsi que l’annonce d’une fermeture du bief pendant une semaine à l’été 2024 achèvent d’inquiéter la Profession.

Il faut également mentionner les conséquences pour la filière fluviale des crues dévastatrices que connaissent le Pas de Calais et le Nord. Environ 50 Bateaux de plusieurs nationalités ont été bloqués dans cette section en provenance ou à destination de Dunkerque, chargés pour plus de la moitié. Le débat sur la résilience de notre réseau est posé, en ayant en tête que VNF ne peut pas tout faire.

Dernier avatar en date, des phénomènes de grèves sporadiques des éclusiers qui pour être ponctuelles n’en sont pas moins préjudiciables aux transporteurs, grèves en début d’année sur les retraites, canal du nord, Seine amont au second semestre…. Des mouvements d’autant plus impactant qu’ils ne font pas l’objet de préavis suffisants.
Cette situation, pour préjudiciable qu’elle soit pour les professionnels à court terme, pose une question d’image, d’attractivité et de fiabilité de la solution fluviale sur le long terme vis-à-vis des chargeurs.

Que faut-il faire ?

La Profession porte aujourd’hui 3 demandes, au-delà d’un principe de continuité de la navigation qui doit être de toute urgence rétablie et garantie :

  1. La mise en place d’un dispositif d’encadrement des grèves analogue à celui qui est appliqué chez d’autres opérateurs d’Etat et en particulier la SNCF. Les frets ferroviaire et fluvial présentent la caractéristique commune d’être des transports captifs, requérant un besoin d’anticipation d’autant plus important dans l’organisation des flux.
  2. La révision du dispositif d’indemnisation en cas de dysfonctionnements sur le réseau prévu par la délibération du 19 juin 2014 du conseil d’administration de VNF (Montants et critères à revoir). Cette révision est le corollaire indispensable du nouveau COP dans son volet relatif aux niveaux de service et une contrepartie évidente aux annonces de hausses du montant des péages. L’un de peut pas aller sans l’autre.
  3. La mise à jour des contrats types du 27 février 2020, dans leurs volets économiques : Il nous semble impératif d’en renégocier à brève échéance les termes, particulièrement pour opérer la diminution des délais de planche, introduire des modalités de calcul des surestaries entièrement revues, ainsi que des différents types d’indemnités en cas de défaillance du transporteur ou du donneur d’ordre, et enfin clarifier les modalités de calcul du prix de fret en intégrant une clause gazole.