Les nouveaux contours de la logistique urbaine fluviale

Pour une logistique urbaine durable, combiner des bateaux fluviaux à des solutions « décarbonées » pour le dernier kilomètre est l’une des solutions qui commence à s’imposer dans plusieurs centres-villes. Des conditions sont certes nécessaires pour mettre en place une logistique urbaine fluviale mais elles ne sont pas insurmontables. Retour sur une conférence de la dernière SITL à laquelle E2F a pris part.

« Le transport fluvial permet de livrer des marchandises jusqu’au cœur des villes. Combiné avec des vélos-cargo ou des véhicules utilitaires légers « décarbonés », électriques, par exemple, il constitue une solution de logistique urbaine durable », a indiqué Lionel Rouillon, directeur du développement de Voies navigables de France (VNF).

« Auparavant, les solutions de logistique urbaine fluviale étaient peu rentables et constituaient surtout des expérimentations subventionnées. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : le modèle économique s’est consolidé avec des grands chargeurs qui s’engagent et des systèmes intégrés de bout en bout », a poursuivi ce responsable.

Parmi les exemples récents qui fonctionnent : l’entreprise ULS avec des flux mutualisés pour les commerces des centres-villes à Strasbourg et à Lyon, la concrétisation fluviale d’Ikea à Paris. D’autres grandes villes ou agglomérations comme Rouen, Toulouse, Metz, Mulhouse, Bordeaux pourraient « sauter le pas » vers la logistique urbaine fluviale dans un avenir proche.

Les principes de la solution ULS

Nicolas Teinturier, directeur du développement d’ULS a détaillé les principes de la solution de cette entreprise :

  • « Nous avons mis au point un modèle industriel de logistique urbaine durable, une solution globale autour de la barge en optimisant les véhicules pour le dernier kilomètre. Il y a une mutualisation du bateau et des véhicules.
  • L’un des enjeux est d’ordre collectif pour lutter contre la congestion routière et les encombrements dus aux livraisons.
  • Un autre enjeu est de proposer une solution iso-coût par rapport au transport routier de marchandises, ce que permet la qualité du service et les outils notamment numériques que nous utilisons.
  • Nous proposons ainsi une solution qui n’est pas plus chère que celle du transport routier de marchandises.
  • Nous souhaitons parvenir à transporter toutes les marchandises qui rentrent dans les villes, y compris les produits frais et ceux à très haute valeur ajoutée ».
Point P et la desserte des chantiers urbains

Point P, spécialisée dans la distribution de matériaux de construction, met à la disposition des professionnels du bâtiment et des particuliers une vaste gamme de matériaux de construction pour le gros œuvre et le second œuvre.

Plusieurs sites de Point P sont installés au bord de la Seine dans la capitale et en banlieue parisienne :

  • une plate-forme à Conflans-Sainte-Honorine, une autre à Montereau ;
  • toutes les deux approvisionnées par le fleuve et qui livrent par le fleuve également les agences situées le long de la Seine aux ports de Javel et du Point du jour ;
  • la plate-forme Weber (Saint Gobain) au port de Bonneuil-sur-Marne est également utilisée, Point P étant une filiale de Saint Gobain.

Deux bateaux avec grue intégrée, l’un propriété en propre de Point P et l’autre affrété, réalisent des rotations régulières chaque semaine pour livrer les différents sites implantés au bord de la voie d’eau en big-bags palettisés, agrégats, sables, graviers, parpaings.

Une plate-forme de consolidation a récemment été mis en place par Point P à proximité du Village des athlètes en Seine-Saint-Denis, concrétisant ainsi son objectif de livrer directement des chantiers par la voie d’eau.

Une nouvelle agence devrait bientôt ouvrir à Gennevilliers et jouera un rôle pour livrer non pas seulement les sites Point P mais aussi approvisionner directement des chantiers de construction.

Des conditions à réunir

Il ne faut pas oublier que logistique urbaine fluviale a besoin de quais ou de ports pour fonctionner. L’Ile-de-France est largement dotée sur ce plan avec ceux gérés par Haropa Port de Paris.

« L’un de nos objectifs est de construire un corridor « décarboné » pour livrer la région parisienne en répondant à trois enjeux : une organisation favorisant la rapidité, une solution adaptée aux impératifs des zones à faibles émissions, la mise à disposition de foncier en favorisant si besoin le partage des usages », a expliqué Jean Plateau, directeur de la plate-forme de Gennevilliers.

En conclusion, Didier Léandri, président délégué général d’Entreprises fluviales de France, a rappelé plusieurs éléments à prendre en compte pour permettre un développement de la logistique urbaine durable intégrant le fluvial :

  • « On parle en fait de choses très différentes les unes des autres. Pour le fluvial, la logistique urbaine est un trafic historique et pour lequel il a fait ses preuves si l’on pense aux matériaux de construction pour le BTP ou aux déchets.
  • La problématique actuelle est d’élargir à d’autres marchandises la possibilité d’être transportées par le fluvial pour une livraison urbaine. Il y a par exemple les palettes. C’est parvenir aussi à faire de la logistique urbaine fluviale pour de petits lots.
  • Il y a des préalables « techniques » pour réussir : standardiser les unités de charge, disposer de quais, de bateaux… Mais il y a aussi une dimension financière : le transport fluvial règle des péages, des escales pour l’utilisation des ports et des quais alors que le transport routier de marchandises ne paie pas les infrastructures qu’il utilise.
  • Sachant que la valeur ajoutée du fluvial, c’est la massification avec des opérations logistiques comme la préparation de commandes, pouvant se faire à bord, par exemple avec le bateau-entrepôt Fludis.
  • C’est aussi un pas vers la transition énergétique des activités. L’avantage environnemental du fluvial se renforce avec des bateaux « zéro » émission et un dernier kilomètre qui s’effectue avec des vélos-cargo ou des véhicules électriques ».

Source : NPI