État des lieux du « verdissement » des bateaux fluviaux européens

Le « verdissement » de la flotte fluviale européenne était au programme de l’une des journées de la « semaine de la navigation intérieure ». Cet événement a eu lieu à Bruxelles du 20 au 24 mars 2023, organisée par la plate-forme européenne de la navigation intérieure (EU IWT Platform).

La plate-forme européenne de la navigation intérieure (EU IWT Platform) regroupe les deux organisations professionnelles de la filière au niveau européen : les armateurs fluviaux de l’EBU et les artisans bateliers de l’OEB.

Elle a organisé une « semaine de la navigation intérieure » à Bruxelles du 20 au 24 mars 2023 autour de nombreuses thématiques dont celle du « verdissement » des bateaux fluviaux.

C’est un vaste tour d’horizon qui a été dressé :

Combien de bateaux « verts » ?

  • Une soixantaine de bateaux « verts », soit environ 0,5 % de l’ensemble de la flotte fluviale européenne, a indiqué Daisy Rycquart, secrétaire de la commission « innovation et verdissement » de la plate-forme européenne de la navigation intérieure (EU IWT Platform).
  • Un nombre peu élevé car « les coûts externes ne sont pas internalisés, selon cette responsable. Cela signifie qu’un armateur fluvial ne gagne pas davantage avec un bateau « vert ». Il n’y a d’ailleurs pas de demande des clients pour de tels bateaux. Pourtant, des possibilités techniques existent déjà. Toute la question est de savoir les investissements à privilégiés et les techniques pour lesquels les investissements existent ».

Quelle trajectoire de verdissement ?

  • La prolongation de la tendance actuelle ne permet pas d’atteindre l’objectif d’une navigation « zéro » émission en 2050 : dans 30 ans, si rien ne change, on aura juste remplacé les diesel CCNR2 actuels par des diesel stageV. Ces moteurs équiperont 80 % de la flotte tandis que les batteries électriques n’équiperont qu’un très faible pourcentage des bateaux, selon Daisy Rycquart.
  • Une transition plus affirmée vers la « décarbonation », selon la CCNR, ne concernerait à l’horizon 2050 que 12 % de moteurs diesel pour 40 % de bateaux navigant sur batterie, le reste étant composé principalement d’hydrogène et méthanol.

Avec quels moyens financiers ?

  • Pour parvenir à ce résultat, il faut mettre sur la table 7,8 milliards d’euros, selon une étude du cabinet Panteia citée par Daisy Rycquart, qui conclut que « c’est une illusion de croire que le fonds de réserve européen pourra être une solution suffisante ».
  • Ce fonds, alimenté par les contributions des entreprises fluviales européennes, atteint 26,8 M€ : il ne peut donc couvrir que 0,4 % des besoins. Même avec une contribution des entreprises fondée sur une surcharge de 6 centimes par litre de carburant, des subventions publiques à hauteur de 70 % des investissements seront nécessaires, selon la représentante de IWT Platform.

Quels carburants pour la transition ?

  • L’énergie d’avenir des bateaux fluviaux doit être à la fois renouvelable, abondante et stockable, a dit Sebastian Verhelst, professeur à l’université de Gand et spécialiste des moteurs à combustion interne et des carburants renouvelables.
  • Parmi les sources d’énergie renouvelables, c’est le solaire qui offre le meilleur potentiel au niveau mondial avec 85 000 TW, loin devant les 72 TW de l’éolien et les 7 TW des biocarburants.
  • Pour synthétiser des carburants à partir de l’électricité (e-carburant), Sebastian Verhelst privilégie les molécules les plus simples, dont la production est la plus efficace : dans l’ordre : dihydrogène, méthane, ammoniac, méthanol.
  • La production du méthane ou du méthanol implique une difficulté supplémentaire : la capture de carbone. Un des points clés est donc le futur prix du carbone.

Comment stocker l’hydrogène ?

  • De tous ces e-carburants, c’est l’hydrogène qui a la meilleure efficacité dans la transformation d’électricité en carburant. Il en est autrement en ce qui concerne le transport, puisque l’hydrogène liquide a une densité de 70 kg/m³. D’où la nécessité de trouver un vecteur pour le stocker et le transporter, avant son utilisation dans une pile à combustible.
  • « Transporter l’hydrogène est un vrai défi, rappelle Sebastian Verhelst. Les carburants liquides ont une bien meilleure densité énergétique. Liquéfier les gaz les rend stockable, mais pas efficace pour autant.
  • Pour résumer : ammoniac, méthane, méthanol ou éthanol… presque tout est meilleur pour stocker l’hydrogène que l’hydrogène lui-même.
  • Quant aux batteries, elles ne pourront répondre qu’à des marchés de niche, à la fois pour des raisons de densité et de coût. »
  • Les carburants liquides à température et pression ambiante ont un avantage à bord : ils peuvent être stockés dans des cuves qui n’ont pas besoin d’être rondes, ce qui prend moins de place.

Et les biocarburants ?

  • A court terme, les biocarburants semblent une bonne solution, puisque l’on conserve les mêmes moteurs et les mêmes réservoirs. A long terme, cependant, se pose la limite de la biomasse disponible. Pour une même surface de 1 km², la biomasse permet de produire 2 GWh d’énergie, contre 50 GWh pour l’éolien et 170 GWh pour le photovoltaïque.
  • « Ils sont aujourd’hui moins chers, mais, à terme, les biocarburants seront plus chers que les e-carburants », prédit Sebastian Verhelst.

La fin des moteurs ?

  • « On doit se passer des carburants fossiles, par forcément des moteurs à combustion interne qui, à haute charge, ont une meilleure efficacité énergétique que les piles à combustibles », rappelle Sebastian Verhelst.
  • Il souligne qu’il faudra toujours, pour cela, produire à partir d’électricité de l’hydrogène, de l’ammoniac ou du méthane. Toutes ces molécules sont aujourd’hui produites majoritairement à partir de méthane.
  • Il exclut en revanche le e-diesel, molécule trop complexe et dont le procédé de production est donc coûteux en énergie.

Source : NPI