E-conférences Norlink : des projets concrets autour des énergies alternatives

Lors des e-conférences de la fédération Norlink le 22 octobre 2020, des projets concrets avec du bio-GNV ont été détaillés pour le ferroviaire et le fluvial. Le rôle des ports dans le développement de l’hydrogène a été abordé. Il a été présenté une étude sur la conversion de bateaux à l’électricité et l’élaboration d’un schéma directeur d’avitaillement dans le bassin Nord-Pas-de-Calais.

Lors des e-conférences organisées par la fédération Norlink le 22 octobre 2020 autour du thème « Révolutions portuaires, environnement et numérique », l’un des sujets abordés a été l’hydrogène et le rôle que peuvent jouer les ports dans le développement de cette énergie alternative, selon France Hydrogène, nouveau nom de l’Afhypac (association française pour l’hydrogène et les piles à combustible).

« L’hydrogène est déjà une réalité : avec cette énergie, une vingtaine de bus circule en France, une centaine de taxis à Paris, de premiers poids lourds en Suisse, a indiqué Thomas Gauby, chargé de mission à France Hydrogène. Pour le fluvial, il y a des projets sur le Rhône. La priorité actuelle est de massifier et d’industrialiser la filière en créant des écosystèmes qui doivent être complets, multi-usages, de grandes tailles. Les ports cochent toutes ces cases car tous les usages industriels y sont présents, il y a les capacités de production et de distribution. Les ports peuvent être les premiers écosystèmes de l’hydrogène ».

Thomas Gauby a précisé que l’Afhypac conduit actuellement une étude avec le GPM de Nantes-Saint-Nazaire sur différents scénarios, trajectoires pour l’hydrogène dans les ports. « L’idée est que cette étude soit réplicable ».

5 à 6 euros pour 1 kg d’hydrogène vert

Il a rappelé que le gouvernement a lancé le 8 septembre 2020 « une stratégie nationale hydrogène » pour la période 2020-2030 dotée de 7 milliards d’euros dont 3,4 milliards d’euros sur 2020-2023. « Il faut comprendre que d’ici 2030, il s’agit de construire une trajectoire. Entre 2020 et 2023, trois priorités ont été définies pour le budget alloué. La première vise à décarboner l’industrie, la deuxième à développer la mobilité professionnelle des collectivités et des entreprises avec l’hydrogène, la troisième est un soutien à la recherche, à l’innovation, à la formation ».

Pour lui, la production d’hydrogène vert par électrolyseur constitue « une première orientation technologique » dont le frein principal est le coût. En sortie d’électrolyseur, le prix au kilogramme de l’hydrogène vert est de 5 à 6 euros à comparer aux 1 à 2 euros de l’hydrogène chimique. « Pour réduire le coût, il faut massifier » la production, la distribution, les usages, en créant des écosystèmes où tous ces aspects sont rassemblés. Il ne faut pas oublier non plus la question du stockage de l’hydrogène, soit sous forme liquide soit sous forme gazeuse en fonction des cas d’usage. Thomas Gauby a souligné que la gamme de puissance de l’hydrogène est « large et étendue ».

Intérêts technique et économique de locotracteurs bio-GNV/diesel

Antoine Jabet, business analyst chez GRDF, a présenté l’intérêt du bio-méthane (bio-GNV, bio-GNC) en détaillant la conversion de locotracteurs fonctionnant jusqu’à présent au diesel.

Le bio-méthane est un gaz renouvelable, produit à partir de trois sources : résidus de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire, déchets de collectivités (cantines, par exemple), de boues de stations d’épuration. Le tout est placé dans un digesteur duquel on récolte du bio-méthane qui est donc du gaz et du digestat qui peut servir pour de l’épandage.

« La technologie de production est mature, a expliqué Antoine Jabet. Il faut juste adapter au bio-GNV les véhicules ou les matériels ferroviaires ou les bateaux fluviaux ». Il se pose surtout la question du stockage dont les contraintes sont similaires à celle du diesel mais peuvent demander davantage de place. Le bio-GNC est comprimé dans des bouteilles de 200 bars pour lesquelles les normes de sécurités existent déjà. Le bio-GNV répond à toutes les gammes possibles de puissance. Il réduit de 80 % les émissions de CO2 et de 50 % celles de Nox. La production de bio-méthane est suffisante pour couvrir tous les besoins possibles (eau chaude, cuisson, chauffage, mobilités) dans les Hauts-de-France.

Dans cette région, la conversion de locotracteurs diesel est un projet qui est en train de se concrétiser. Il s’agit d’une intégration dual-fuel bio-GNV/diesel sans changer le moteur déjà en place. Arcelor Mittal à Dunkerque et VFLI à Dourges participent à ce projet. Le premier dispose d’une flotte de 20 locotracteurs fonctionnant en continu 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 avec une consommation de 500 litres de diesel. Le deuxième compte trois locotracteurs fonctionnant la journée avec une consommation d’environ 100 litres de diesel. « Sur le plan technique, pour les locotracteurs d’Arcelor-Mittal qui fonctionnent de manière intensive, il n’y a pas de limitation avec la conversion, il a juste fallu trouver la place pour stocker le gaz pour une journée d’autonomie ».

Concernant l’équation économique de la conversion, le prix du GNV est entre 30 et 50 % moins cher que le diesel. Cet écart va continuer de grandir avec l’alignement de la TICPE du gazole non routier sur celle du diesel routier. L’économie de carburant estimée sur la période 2020-2030 est de 70 000 euros par an par locotracteur. Les coûts de transformation sont dégressifs en fonction du nombre de trains transformés. Le retour sur investissement est atteint en 4 à 5 ans.

La conversion est particulièrement intéressante pour les 20 locotracteurs de Arcelor-Mittal du fait de la taille de la flotte et de la consommation. La transformation de 15 d’entre eux reviendrait à environ 5 millions d’euros et permettrait des économies de l’ordre d’un million d’euros par an. Avec le dual fuel bio-GNV-diesel, le verdissement et la rentabilité économique sont au rendez-vous pour cette conversion.

Un projet avec Marfret pour un bateau bio-GNV/électrique

Pour le fluvial, le business analyst chez GRDF a indiqué qu’un travail est en cours pour une solution hybride bio-GNV/électrique avec Segula au Havre qui pourrait aboutir d’ici 2023.

Le projet se fait avec Marfret pour le retrofit d’un bateau existant, le Brevon, qui effectue un trajet pendulaire entre Limay et Paris. Ce bateau fait du transport de marchandises et l’idée est même de récupérer des déchets ménagers de Paris pour les méthaniser, ce qui ferait une boucle totalement vertueuse. L’autonomie du bateau est prévue pour être supérieure à 250 km avec la solution hybride bio-GNV/électrique.

Lancer une dynamique verdissement dans le bassin Nord-Pas-de-Calais

Cécile Rousseau, adjointe au service développement de Voies navigables de France (VNF) Nord-Pas-de-Calais, a détaillé l’étude lancée en partenariat avec la fédération Norlink pour « la conversion de bateaux à l’électricité et l’élaboration d’un schéma directeur régional d’avitaillement ».

La démarche se veut « pragmatique » basée sur des constats du terrain pour les infrastructures et avec la profession pour la batellerie.

« La flotte est ancienne sur le bassin Nord-Pas-de-Calais, avec des bateaux et des moteurs fortement émetteurs de CO2, des groupes électrogène embarqués pour l’électricité en stationnement. Les capacités d’investissement des artisans-bateliers sur le bassin sont faibles pour se lancer dans des évolutions des bateaux », a détaillé Cécile Rousseau. Côté infrastructures, l’avitaillement est principalement du fuel et il existe plus d’une centaine de bornes électriques pour remplacer les usages quotidiens en stationnement à quai et couper le groupe électrogène. Mais elles ne sont pas adaptées pour le rechargement de batteries en lien avec la motorisation des bateaux. Il faut noter aussi que l’accès aux bornes repose sur la disponibilité des places de stationnement.

L’étude a permis de déterminer deux types de flux principaux : soit pendulaires et réguliers, soit très variés et sur de la longue distance. Pour ceux-ci, « comme ils sont peu captifs, étant souvent du transit entre l’Ile-de-France et la Belgique (où les carburants sont moins chers), l’idée est de déterminer des zones d’avitaillement utilisés sur le bassin et dans les ports en cartographiant l’existant puis de définir quels sites où investir pour accueillir des carburants alternatifs. L’idée est d’offrir une à deux stations fixes d’avitaillement pour les flux de longue distance, qui seront des sites sécurisés pour tous les carburants possibles », selon la responsable.

« Pour les autres flux, pendulaires et réguliers, l’approche est différente, a continué Cécile Rousseau. Les bateaux restent dans le bassin. L’idée est d’approcher les chargeurs et les artisans-bateliers pour voir comment les amener dans une dynamique de verdissement de la flotte. L’idée est de proposer plutôt une conversion vers l’électricité qui semble l’énergie plus pertinente pour ces flux. Nous souhaitons accompagner une démarche de diagnostic énergétique, en nous inspirant de ce qui a été fait par la Communauté portuaire de Paris, en définissant les besoins, en établissant des scénarios de décarbonation, en étudiant les solutions selon les types de bateau et la rentabilité économique. Pour les investissements nécessaires, il y a le PAMI ».

Pour elle, il s’agit aussi de se placer dans une logique d’axe, avec le Canal Seine-Nord Europe en vue à partir de 2028-2030, l’interconnexion entre les différents bassins.

Source : NPI.


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Replay table ronde n°02 : Les énergies alternatives pour des solutions de transport durable.
Replay table ronde n°03 : Le numérique comme outil de compétitivité portuaire.