Le devenir des canaux existants dans la perspective de l’aménagement du Canal Seine-Nord Europe
La construction du futur canal Seine-Nord Europe (CSNE) reliant Compiègne, au Sud, à Aubencheul-au-Bac, au Nord, doit lever le goulet d’étranglement que représente actuellement le canal du Nord, en permettant la massification et l’accroissement des flux transitant par la voie d’eau. Cette infrastructure assurera le lien à grand gabarit entre la région francilienne et le nord de l’Europe, et devrait permettre, côté français, une desserte plus efficace des ports des Hauts-de-France et de Normandie à l’horizon 2028, date projetée de sa mise en service. En vue de cette ouverture, VNF a réalisé une étude afin d’examiner le devenir des canaux existants dans la perspective du CSNE. E2F a pris part à la concertation.
Les répercussions sur le réseau existant
Le projet canal Seine-Nord Europe ne saurait se résumer à l’aménagement d’une infrastructure de transport à grand gabarit. Le futur canal prévoit d’être à la fois un vecteur de développement économique, d’emploi et d’aménagement du territoire le long du linéaire et au-delà, en jouant le rôle d’accélérateur de projets.
En intégrant des aménagements à la fois portuaires et touristiques, le futur canal devrait à terme entraîner une reconfiguration et un accroissement des flux de marchandises et de passagers sur le réseau Seine-Nord.
Par ailleurs, l’aménagement de cette infrastructure devrait permettre de mettre un coup de projecteur sur le réseau navigable des Hauts-de-France, en améliorant son efficacité et sa pertinence.
Le rôle des canaux existants dans la construction du futur canal
Durant la phase de construction du CSNE, le canal latéral à l’Oise et le canal du Nord resteront opérationnels et seront mis à contribution directe. En effet, grâce à l’objectif de fluvialisation du chantier que s’est fixé la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE, maître d’ouvrage du projet), les flux d’approvisionnement en matériaux de construction et les flux sortants de déblais excédentaires du chantier transiteront par ces canaux.
Les déblais générés par les travaux de creusement et de terrassement engendreront un volume important de déblais qui seront mis en dépôt permanent ou temporaire (stockage intermédiaire en attente d’exutoire pérenne) à proximité de la future infrastructure. Il est prévu que les dépôts définitifs puissent servir à la création de sites paysagers, d’aménagement écologiques et au comblement d’anciennes carrières.
A l’issue des travaux, les canaux existants serviront d’itinéraire de substitution durant la phase de rodage des ouvrages de la nouvelle infrastructure, actuellement fixée à la première année suivant la mise en service du Canal Seine-Nord Europe.
Le devenir du canal latéral à l’Oise et du canal du Nord en question
En plus de se superposer par endroits au tracé du canal latéral à l’Oise et du canal du Nord, le canal Seine-Nord Europe devrait, à terme, se substituer à ces canaux pour le transport de marchandises entre le bassin parisien et le bassin nord-européen. Le projet prévoit ainsi le report des trafics commerciaux et l’implantation bord à voie d’eau des entreprises et des industriels qui ont et auront recours à la logistique fluviale sur le grand gabarit. Dans une certaine mesure, il est également prévu que le futur canal se substitue aux canaux existants en matière de flux touristiques de plaisance.
Partant de l’hypothèse que les flux et les activités se reportent sur le grand gabarit, la pertinence du maintien en l’état des canaux existants est à reconsidérer.
S’il est prévu que le canal latéral à l’Oise et le canal du Nord soient maintenus en navigation la première année suivant la mise en service du futur canal comme itinéraires de substitution durant la période de rodage des nouveaux ouvrages, et pour permettre le report des entreprises sur le grand gabarit, l’utilité des canaux existants n’est pas assurée au-delà.
Dans ce contexte, la SCSNE et VNF ont collaboré pour imaginer différentes options de réaménagement sur les biefs jugés les moins pertinents à l’issue de la mise en service du canal Seine-Nord Europe.
Contraintes et options de réaménagements des canaux existants
Les contraintes de réaménagement des canaux existants
Les différents scénarios de réaménagement des canaux existants doivent prendre en compte un certain nombre de contraintes techniques liées à la gestion de l’eau, afin de ne pas bouleverser les équilibres hydrauliques des territoires concernés. En outre, les projets de réaménagement et de revalorisation doivent prendre en considération d’autres nécessités du projet CSNE, telles que les différentes mesures de compensations environnementales.
Les options de réaménagement des canaux existants
Voies navigables de France a dégagé plusieurs options de réaménagements possibles des canaux existants. Au total, quatre cas de figure ont été identifiés sur les différentes sections composant le canal latéral à l’Oise et le canal du Nord :
- La superposition du canal Seine-Nord Europe au tracé d’un canal existant, impliquant l’approfondissement et l’élargissement des tracés existants.
- Le maintien en navigation, avec des adaptations en termes d’investissements et de niveaux de service en fonction de l’activité générée sur ces tronçons.
- Le maintien en eau permettant d’assurer la continuité hydraulique. Cette continuité peut se faire en maintenant le bief en l’état, en réduisant le cours d’eau à un mince filet d’eau en surface, ou via une conduite enterrée.
- Le remblaiement total ou partiel, avec ou sans projet de réaménagement. Cette hypothèse pourrait représenter un exutoire aux déblais issus du chantier du canal Seine-Nord Europe, et permettrait, ce faisant, de réduire le volume des déblais mis en dépôts définitifs à proximité de la voie d’eau.
Dans ce contexte, VNF a lancé une démarche de concertation avec les territoires concernés par le devenir des canaux existants, en partenariat avec la Société du Canal Seine-Nord Europe.
La démarche de concertation devrait permettre de faire émerger des projets de territoire autour de la revalorisation des canaux existants. Sur certains segments, en cas d’absence de projets, Voies Navigables de France maintiendrait les canaux en l’état, tout en adaptant son offre de services et son niveau d’investissements aux trafics générés sur les canaux existants. En cas d’absence de trafics, l’exploitant pourrait limiter ses interventions à la sécurisation des ouvrages et au maintien des continuités hydrauliques.
La déclinaison de scenarios de réaménagement sur les canaux existants
Les premiers retours de concertation ont permis de faire émerger un certain nombre de scénarios sur les territoires concernés. Les biefs situés entre Palluel et Marquion, devraient être maintenus en navigation.
Sur la section située entre Graincourt-lès-Havrincourt et Marquion, les contraintes de gestion de l’eau du secteur nécessitent le maintien d’une continuité hydraulique afin d’alimenter la vallée de la Sensée. Par conséquent, tout projet de réaménagement devra nécessairement prendre en compte le maintien impératif de ces équilibres. En concertation avec les territoires, il sera possible de réaliser certains aménagements à dimension environnementale et de travailler à la mise en valeur de parcours « nature ». Au sud de la section, les tracés du canal du Nord et du futur canal Seine-Nord Europe se superposent en partie. Le tunnel de Ruyaulcourt sera maintenu en eau afin de ne pas bouleverser les équilibres hydrauliques du secteur, et continuera à être géré par Voies navigables de France. Au demeurant, des partenariats pourraient être noués dans le cadre d’une démarche de patrimonialisation du tunnel.
Sur la section Etricourt-Manancourt-Allaines, le comblement du canal du Nord est prévu au titre des mesures de compensations environnementales du projet canal Seine-Nord Europe, afin de restaurer le lit de la rivière naturelle de la Tortille.
Entre Allaines et Languevoisin, VNF a identifié des opportunités en termes de trafics touristiques de plaisance dans le cadre de la réouverture prochaine de la section Offoy-Saint-Simon et de son transfert au département de la Somme. Certaines pistes pourraient être envisagées comme la formulation d’un partenariat entre VNF et le département de la Somme sur les maisons éclusières situées le long du canal du Nord.
A partir de Languevoisin et jusque Pont L’Evêque, VNF n’a identifié que peu d’enjeux de trafics après la mise en service du canal Seine-Nord Europe. Les collectivités réfléchissent à de possibles scénarios de réaménagement. Plusieurs scénarios ont jusqu’alors été évoqués :
- Le maintien du canal en l’état ;
- Le remblaiement du canal du Nord permettant de restituer des terres à l’agriculture ;
- La conversion des biefs du canal du Nord en retenues d’eau et en sites de stockage des eaux de dragage dédiés au monde agricole.
Sur le canal latéral à l’Oise, les enjeux de réaménagement concernent le segment fluvial situé entre l’écluse de Bellerive et Janville. Plusieurs scénarios se dessinent :
- Le maintien du canal en l’état ;
- Le remblaiement partiel du canal sur les communes de Thourotte et Cambronne-lès-Ribécourt, et le maintien en eau de la commune de Janville et du port de Longueil-Annel ;
- Le maintien en navigation visant à développer le tourisme de plaisance fluvial.