Sécheresse : face à la baisse du niveau du Rhin, les bateaux allègent leurs cargaisons de marchandises

À cause de la sécheresse et du manque de précipitations, le débit du Rhin est deux fois moins important qu’en moyenne à cette période de l’année. En conséquence, les bateaux réduisent le poids de leurs marchandises pour que leur coque n’accroche pas le fond. Une situation inquiétante visible sur de nombreux canaux français.

La sirène retentit. C’est Michel qui a lancé le signal, depuis sa tour de contrôle de l’écluse de Gambsheim, à la frontière avec l’Allemagne. L’éclusier active le mécanisme pour ouvrir le sas, haut d’une quinzaine de mètres. « Le bateau actuellement dans l’écluse, il a une capacité de 4 000 tonnes et un chargement de 950 tonnes », récapitule celui qui fait ce métier depuis 25 ans. Un bateau aux trois quarts vide, comme la plupart de ceux qui passent en ce moment.

Car la sécheresse fait des dégâts. Le Haut-Rhin et le Bas-Rhin sont en alerte, comme 88 autres départements en métropole. Et ce phénomène climatique ne touche pas que les petits cours d’eau alsaciens. Le Rhin est aussi concerné. Depuis une dizaine de jours, le fleuve est en plein étiage, le niveau de l’eau est au plus bas. « On a un débit deux fois moins important qu’en moyenne à cette période », explique Vincent Steimer, directeur des unités territoriales de Voies navigables de France (VNF) à Strasbourg.

« Des étiages qui commencent pendant l’été, on en a déjà eu par le passé. En 2018 par exemple, l’étiage a démarré début août », se souvient t-il. « Là on est en juillet mais les débits sont comparables à cet étiage du mois d’août, qui était déjà important. » La baisse des eaux du Rhin s’explique principalement par le manque de précipitations depuis le mois d’avril. « Jusqu’à présent, les conséquences étaient plutôt faibles parce que la fonte des neiges dans les Alpes alimentait le fleuve. Sauf qu’elle est quasiment terminée. Donc s’il ne pleut pas, on va continuer à diminuer doucement », alerte Vincent Steimer.

Bientôt plus de camions ?

Avec une conséquence directe pour la navigation sur le Rhin : le poids des bateaux, qui ne peuvent plus autant s’enfoncer dans l’eau qu’avant. Ils doivent naviguer avec seulement un tiers de leur cargaison habituelle, pour ne pas accrocher le fond. « Les entreprises sont obligées de développer des stratégies un peu différentes », explique Céline Ohresser, adjointe au service développement de VNF Strasbourg. « Lorsqu’elles le peuvent, elles vont jouer sur leurs stocks. On est en période estivale donc elles peuvent un peu réguler, importer ou exporter des choses plus tard. »

« La deuxième solution, c’est le report modal », continue Céline Ohresser. « C’est pour ça que VNF a noué, il y a un an, un partenariat avec la SNCF pour accompagner les entreprises qui souhaitent se mettre au rail. » Ce dont témoigne un batelier : « Les clients me disent que, si l’eau reste à cette hauteur, ils vont transférer la marchandise par d’autres moyens de transport », raconte-t-il. « Comme les camions ou les trains. »

« À un moment donné, économiquement, ce ne sera plus intéressant de passer en bateau parce que ça coûtera tout simplement trop cher », appuie Vincent Steimer. « Il faut vraiment espérer que ces étiages ne durent pas trop longtemps, pour ne pas pénaliser trop fortement les industries et les entreprises. » « Il faut vraiment s’adapter et y croire », rappelle Céline Ohresser. « La question, c’est d’éviter autant que possible un report massif et des habitudes qui sont reprises sur la route. Ça ne fera qu’amplifier le phénomène. » Pour les plus gros bateaux du Rhin, il faudrait en moyenne plus de 250 camions chacun pour transporter la même quantité de marchandises.

Un problème national

Cette situation est d’autant plus inquiétante pour les canaux français, essentiellement alimentés par des barrages réservoirs dont le niveau a baissé de façon importante. Si ces canaux sont asséchés ou si leur alimentation est fortement diminuée, c’est toute l’alimentation en eau du territoire qui peut en être impactée.

Aux écluses du canal du Centre en Saône-et-Loire, les bateaux ne peuvent désormais passer que deux par deux. S’il un bateau se présente à une écluse, il devra attendre une heure qu’un autre bateau arrive. Si ce n’est pas le cas, après cette attente, il sera autorisé à la passer. « Nous avons pris cette mesure pour économiser l’eau utilisée à chaque passage d’écluse », explique un agent de VNF. La restriction ultime est l’arrêt de la navigation. Pour le moment, seul le canal de Bourgogne entre Migennes et Tonnerre est concerné.

Le canal du Midi lui aussi est touché par ce manque cruel d’eau. Sur ce canal, il faut remonter à 2012 pour connaître une situation similaire. La situation n’est pas encore préoccupante mais la navigation est quelque peu perturbée. Pour que la navigation soit toujours possible, VNF a du faire face en utilisant l’eau des barrages réserves comme celles du lac de la Ganguise ou de Saint-Ferréol ou le bassin de Lampy.

Actuellement dans le pays, plus de 500 km de canaux sont fermés à la navigation, un chiffre qui risque d’augmenter dans les prochaines semaines si aucune précipitation n’est annoncée.