Plaidoyer des Régions pour un tourisme d’excellence numérique et responsable

Le tourisme est à la croisée de nombreuses compétences régionales : développement économique par le poids qu’il représente en termes de croissance et d’emplois, aménagement du territoire, formation professionnelle, transports, préservation des milieux et valorisation de la biodiversité, culture et patrimoine, agriculture et agroalimentaire, autorité de gestion des fonds européens, promotion…

Les trois dernières années ont constitué, pour les acteurs du secteur du tourisme, une épreuve sans précédent. La crise sanitaire puis la crise ukrainienne font encore peser des incertitudes pour les acteurs du secteur. Si des signaux positifs laissent entrevoir une reprise pour les destinations et les professionnels, de nouveaux défis, comme la transformation durable de l’offre, l’investissement, l’impact du digital sur les pratiques touristiques, la relance post-crise, une meilleure articulation des finances publiques dédiées, n’ont été que trop peu considérés et concertés ces derniers mois.

La crise sanitaire a également mis en exergue un certain nombre de difficultés structurelles : absence de vision stratégique, de structuration de la filière économique, défaut de régulation des activités numériques, manque d’investissements dans les infrastructures et dans le capital humain, arsenal normatif trop important, inadapté et peu propice à l’efficacité, procédures administratives lourdes et complexes,…

Conscientes de ces défis, depuis plus de dix ans, et encore plus depuis le début de la pandémie, les Régions se sont engagées dans des politiques volontaristes et affirmées pour être présentes aux côtés des professionnels. Leur ambition est simple : que les destinations françaises soient leader d’un tourisme d’excellence, numérique et responsable. Mais cela ne pourra être atteint que dans un cadre d’action simplifié, plus agile et plus lisible, et suppose notamment une modernisation de la gouvernance du secteur.

C’est pourquoi les Régions de France ont publié il y a quelques semaines : « Vers une République de la confiance : le Livre blanc des Régions » : un outil d’interpellation des candidats à la présidence de la République mais aussi la feuille de route politique des Régions face au prochain gouvernement. Ce plaidoyer entend répondre au besoin urgent pour le tourisme, premier secteur économique de la France (et fortement contributeur à la balance des paiements alors que la balance commerciale affiche un déficit croissant), de disposer d’une stratégie claire et cohérente, autour d’équilibres nouveaux, plus durables et améliorés sur le plan environnemental. Ce n’est qu’avec une politique publique dont l’ambition serait enfin à la hauteur des enjeux, que nous pourrons à nouveau faire rayonner les destinations françaises. Ce document est structuré autour de 12 propositions (6 pour « organiser une stratégie nationale », et 6 pour « doter la France d’un tourisme d’excellence »), fruit d’un travail collectif de l’ensemble des Régions de France.

1/ ORGANISER UNE STRATÉGIE NATIONALE…

Proposition 1 : Se doter d’une stratégie nationale structurant le secteur pour les 10 prochaines années, émanant d’une coconstruction avec les collectivités territoriales. Un pilotage multiniveaux de cette stratégie nationale est par ailleurs gage indispensable de réussite.

Proposition 2 : Au niveau territorial, afin de donner plus de lisibilité à l’action publique, d’éviter l’enchevêtrement des compétences et des finances publiques, préciser la
loi NOTRe en clarifiant la compétence tourisme et en la plaçant sous la responsabilité des Régions, et notamment sous les deux angles suivants :
• Confirmation du chef-de-filât régional dans la mise en œuvre de soutiens directs aux entreprises touristiques,
• Affirmation du rôle des Régions en matière d’organisation et de coordination des actions territoriales en matière de communication et de promotion touristique sur les marchés nationaux et internationaux.

Proposition 3 : Améliorer le dialogue entre l’État, les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, notamment à travers la création de Comités État-Régions pour le tourisme, qui associeront aux échanges les collectivités, acteurs publics et privés participant de l’écosystème régional du tourisme. Dans un souci de bonne gestion des finances publiques, ces Comités Etat-Régions inscriront la mise en œuvre de la stratégie nationale et des plans tourisme dans une logique de contractualisation État – Régions. Cette méthode permettra de territorialiser et démultiplier de manière ciblée les efforts de l’État et des Régions, en opérant des choix cohérents selon les spécificités et les potentiels
avérés des territoires.

Proposition 4 : Repenser le modèle d’Atout France, l’agence nationale du tourisme, pour placer le partenariat État-Régions-Entreprises au cœur de son action, à travers une dynamique plus fédératrice et inclusive. Une mission de préfiguration, associant l’État, les Régions et les grandes entreprises du secteur pourrait être lancée rapidement.

Proposition 5 : Permettre à la France d’enfin disposer de données statistiques fiables sur le tourisme. La mobilisation de l’ensemble des moyens de l’État (dont l’INSEE, la Banque de France et les services du Ministère de l’Économie), en lien avec Eurostat, alliés à ceux des Régions et des entreprises du secteur, doit permettre de produire une donnée publique régulière (en comparaison, l’Espagne produit ces données mensuellement). Ce renforcement des moyens d’observation, de veille et des systèmes d’information sera notamment indispensable pour prévenir et réagir plus rapidement en cas de crise.

Proposition 6 : Relancer l’investissement touristique et optimiser les interventions des différents acteurs nationaux dans cet objectif. Pour ce faire, renforcer le dialogue entre les acteurs nationaux de soutiens aux investissements touristiques (Caisse des dépôts – Banque des Territoires / Bpifrance) et les Régions pour une meilleure complémentarité de nos politiques respectives. Les Régions, principaux acteurs en matière de financements publics des investissements touristiques, doivent pouvoir être entendues dans le cadre de la construction de dispositifs financiers nationaux de soutien aux entreprises touristiques.

2/ POUR DOTER LA FRANCE D’UN TOURISME D’EXCELLENCE

Proposition 7 : Renforcer la professionnalisation des acteurs (formation initiale et continue) et soutenir les démarches Qualité. Mobiliser les moyens pour la formation et la professionnalisation des demandeurs d’emplois. Sensibiliser le grand public, et notamment les jeunes générations, afin de renforcer l’attractivité de la filière tourisme, en améliorant l’image et la connaissance des métiers et des formations du secteur.

Proposition 8 : Engager un plan d’actions ambitieux et coordonné entre les différents échelons territoriaux, pour faire émerger un tourisme durable, responsable et inclusif. La France ne deviendra une destination reconnue en la matière, qu’avec le développement d’actions en faveur de la décarbonation et de mobilités durables par des initiatives fortes en faveur des clientèles touristiques (accompagner les acteurs à la transition écologique, développer les solutions d’écomobilité touristique, préserver et valoriser les espaces naturels, gérer les flux touristiques dans le temps et dans l’espace, développer des dynamiques territoriales associant les acteurs économiques et associatifs concernés, accompagner les départs en vacances, adapter la stratégie de promotion touristique pour être cohérente avec ces ambitions).

Proposition 9 : Accélérer la transformation numérique du tourisme et encourager l’innovation digitale, afin de les replacer au service de l’humain. Le digital a largement entamé son œuvre pour transformer le tourisme. De ce fait, une ambition forte pour les Régions est justifiée pour accélérer la transformation numérique du tourisme et encourager l’innovation digitale. Il s’agira de soutenir les professionnels du tourisme dans l’amélioration de l’expérience visiteur grâce aux nouvelles applications numériques : applis mobiles, Internet de séjour, assistance virtuelle, le tourisme expérientiel via réalité virtuelle, réalité augmentée… Tout en redéployant un accueil humanisé. A cet effet, les Régions demandent à ce qu’au titre du programme France numérique, des actions soient ciblées sur les PME touristiques, tant en matière d’accompagnement collectif qu’individuel.

Proposition 10 : Créer un dispositif de soutien à l’innovation touristique, en lien avec les initiatives existantes (type Fab-lab ou living-lab) : laboratoire vivant regroupant acteurs publics et privés, associations et territoires pour co-produire et tester des services, produits ou usages touristiques nouveaux.

Proposition 11 : Accompagner la filière événementielle dans la reprise de son activité et dans ses démarches de transformation, notamment sur le plan écologique (rénovation thermique et gestion énergétique des bâtiments, nouveaux équipements nécessaires à la production et la réalisation d’événements digitaux, adaptation des espaces aux attentes des clients, développement de nouvelles offres et de services, conversion des sites en « lieux de vie », …).

Proposition 12 : Soutenir les projets d’itinérance dans tout le pays avec une stratégie partagée entre le niveau national et les territoires. L’enjeu pour ces filières concerne un appui à leur structuration/ingénierie et leur valorisation.