Marseille en grand : de Grand Port Maritime à port fluvio­-maritime allant de Marseille à Lyon

Lors de son allocution à Marseille le 2 septembre 2021, annonçant le programme « Marseille en grand », le Président de la République a fixé une ambition pour l ‘axe Méditerranée- Rhône-Saône : transformer le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) en un port fluvio­-maritime allant de Marseille à Lyon et tête de pont de l’axe Rhône-Saône.

Le premier Ministre a donc chargé le Préfet M. Pascal MAILHOS du pilotage de cette mission en s’appuyant sur deux directeurs de projet : Hervé Martel président du directoire du GPMM, pour l’élaboration d’un projet industriel, logistique et économique et Elisabeth Ayrault, ancienne présidente de la CNR et vice-présidente du GPMM, pour la définition de schémas d’organisation et de gouvernance.

« Le port de Marseille mérite des investissements massifs. Il doit être modernisé, mieux relié et pensé lui aussi en grand. Modernisé : nous voulons un port vert avec des quais enfin électrifiés, des financements seront garantis. Le lien entre le port et l’hinterland européen fera l’objet d’aménagements nouveaux et d’investissements exceptionnels. J’en prends ici l’engagement. Marseille doit devenir la tête de pont de l’axe Rhône Saône. Et à cet égard, la transformation du port maritime en un grand port fluvio-maritime allant de Marseille à Lyon doit se faire, conservant son siège à Marseille, à travers une concertation avec les équipes de Lyon, permettra de lancer une infrastructure intégrée nouvelle« , indique Emmanuel Macron.

Les conclusions de cette mission doivent conduire à une réelle amélioration du fonctionnement logistique et économique à terme du quadrant sud-est de la France, notamment au regard de la trajectoire attendue en matière de transition écologique. Elles doivent permettre la mise en œuvre d’actions concrètes à court et moyen termes. tout en dessinant une vision prospective ambitieuse.

Une gouvernance unique jusqu’à Lyon

Comme le rappelle le Président de la République, le port de Marseille-Fos et Lyon partagent un axe stratégique, le Rhône. Le fleuve comme trait d’union entre les deux structures peut faciliter le rapprochement. Mais contrairement à Haropa (Le Havre, Rouen, Paris), qui regroupe trois ports publics, Lyon est géré par une entreprise de statut privé : la Compagnie nationale du Rhône. Difficile ainsi de calquer le groupement d’intérêt économique choisi pour Haropa. Il faut donc inventer quelque chose de nouveau qui s’adapte à cette situation particulière avec un port géré par l’Etat et une entreprise concessionnaire.

Il existe cependant déjà un organisme qui regroupe l’ensemble des ports du Sud : Medlink Ports. Cette association pourrait préfigurer de la future alliance portuaire mais « il y a encore beaucoup de rivalités, même au sein de Medlink entre les différentes places portuaires », prévient un cadre du GPMM. Les acteurs ont peu de temps pour trouver un terrain d’entente et faire une proposition convaincante autour du projet de « nouvelle infrastructure intégrée » réclamée par le Président de la République.

Cela peut permettre au GPMM de se connecter plus loin avec son hinterland, d’un point de vue commercial cela revient à dire que l’entrée du port serait à Lyon”, résume Pascal Galéoté, secrétaire général CGT du Grand Port maritime de Marseille. Mais la création d’un “Mafoly” (pour Marseille-Fos-Lyon) sur l’axe Rhône-Saône n’apparaît pas non plus comme une formule magique. “Bien sûr qu’il faut développer le fluvial, mais je ne suis pas sûr qu’une gouvernance unique permette cela. Il faut plutôt mettre les moyens sur la manutention et mettre à disposition un terminal dédié”, tranche Jean-François Suhas, président du conseil de développement du port de Marseille Fos.

Un sujet de prix et de fiabilité

En septembre 2021, Medlink a rendu un rapport avec 60 préconisations (visible ici) pour “dynamiser le mode fluvial” à la demande du ministère des Transports qui y voit une alternative écologique à la route. Parmi les propositions de Medlink, deux mentionnent directement le GPMM. Il s’agit de changer la facturation et d’optimiser l’accès aux quais sur les terminaux à conteneurs.

Sur le premier point, Cécile Avezard explique que “les frais de manutention pour le camion ou le train sont de 200 euros alors que la barge présente un surcoût de 50 euros”. Un prix plus élevé qui est la conséquence d’une rupture de charge – le temps d’arrêt pour changer de mode de transport – supplémentaire. “Nous voulons gommer cet écart pour donner un avantage au fluvial”, avance la présidente de Medlink. Malgré ce tarif de base plus important le fluvial peut en effet être compétitif à condition de remplir les barges le plus possible, et si le centre logistique d’arrivée se trouve proche de l’eau. Car un trajet entre Fos et Lyon via le Rhône prend 32 heures.

En plus de ces contraintes, le fluvial subit d’autres désagréments : “nous sommes toujours très embêtés quand nous sommes au port de Fos”, indique Julien Legrain, délégué Rhône-Saône d’E2F, qui pointe “les grèves et le fait que les barges ne soient pas prioritaires”. Car entre un navire – qui prend la mer – et un bateau – qui prend les eaux intérieures -, les dockers déchargent d’abord le premier qui rapporte plus. Par conséquent, cela allonge les délais et aggrave les retards. “Nous avons demandé une longueur réservée avec une grue pour tout type de chargement”, enchaîne-t-il. Cécile Avezard le confirme, “il manque du linéaire de quai pour servir tout le monde convenablement”.

Une concertation du GPMM est en cours

Aujourd’hui, l’accès des bateaux se réalise via le Rhône jusqu’au bac de Barcarin. À partir de ce point, une barge peut soit emprunter vers l’Est un canal qui débouche en darse 1 soit continuer à descendre un peu le fleuve pour rejoindre l’enceinte du GPMM par l’écluse de Port-Saint Louis. Dans les grandes lignes, les céréales vont au bassin des Tellines, les conteneurs en darse 2, les hydrocarbures à Lavera (Martigues) et – jusqu’à présent – le charbon au bout de la darse 1 en face de la darse Sud.

Le GPMM mène des études et une concertation sur une réorganisation de ses aménagements. “Nous rendrons compte des résultats des travaux dès qu’ils seront finalisés”, fait-il savoir. Des projets qui se dessinent sur du très long terme et nécessitent des financements importants. Dans les années 2010, le port envisageait de connecter la darse 1 avec le canal afin de gagner 1h30 de trajet. Un projet chiffré entre 39 et 75 millions d’euros qui n’a pas vu le jour : cela nécessitait de traverser une zone riche en biodiversité.

Une entité unique, réunissant tous les ports du fleuve, pour les gouverner tous permettrait-elle de flécher les investissements et réduire les coûts de manutention sur l’ensemble de l’axe ? “C’est possible, mais c’est comme quand on change de président. Il y a ce qui est dit et ce qui est fait“, conclut Julien Legrain. Pour l’instant, il n’y a que des promesses et beaucoup de chantiers.