Les défis de la CNR pour une navigation rhodanienne verte et compétitive

Le conseil de surveillance de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) a choisi Mme Laurence BORIE-BANCEL pour remplacer Mme Elisabeth AYRAULT au directoire. Sa nomination à la présidence de cette instance passe désormais par des auditions devant les commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale en vue d’un décret du Président de la République, choses faites le 3 novembre 2021. Vous trouverez ci-dessous un compte-rendu des auditions de Mme Laurence BORIE-BANCEL avec un zoom tout particulier sur ces propos concernant le transport fluvial.

Lors des deux auditons, Mme Laurence BORIE-BANCEL a rappelé « le modèle d’entreprise si particulier de la CNR au cœur de la vallée du Rhône, concessionnaire d’infrastructures qui a trois missions : l’électricité, la navigation et l’agriculture. Sa relation avec le territoire en fait un modèle unique. C’est ce que la CNR a souhaité incarner pendant les mandats d’Elisabeth AYRAULT : le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires, les énergies renouvelables pour l’avenir ».

« Verdissement » du transport

Elle a listé « cinq enjeux » aussi qualifiés de « défis » pour la CNR à l’avenir dont le premier est la prolongation de la concession du Rhône, entamée il y a 7 ans, et dont « la finalisation appartient à l’État ». « C’est la condition indispensable pour relever les autres défis ». La présente concession arrive à échéance en décembre 2023, la nouvelle doit la prolonger jusqu’en 2041 dans le cadre d’un décret du Conseil d’État annoncé comme imminent depuis un moment déjà.

La « mission navigation » figure dans le deuxième défi de sa liste qui s’intitule « optimiser les usages du fleuve en tenant compte des enjeux climatiques ».

Elle a déclaré : « La mission pour la navigation, dont je mesure l’importance à la fois pour le verdissement du transport des marchandises et des passagers, et l’attractivité économique des territoires. Je crois indispensable que la CNR accompagne la croissance de ce mode de transport, quatre fois moins polluant que le transport routier. Je pense important de rappeler que les infrastructures du Rhône sont capables, dès aujourd’hui, d’absorber quatre fois plus de trafic sans injecter 1 euro de plus ».

Le même défi « optimiser les usages du fleuve en tenant compte des enjeux climatiques » concerne « la mission agriculture » (irrigation, gestion de la ressource en eau) ainsi que la production d’hydroélectricité. Celle-ci est la « colonne vertébrale de la CNR » et de son modèle d’aménagement du territoire et permet de soutenir les deux autres missions.

Les autres enjeux/défis sont : « accélérer le développement des actifs renouvelables », faire de la CNR « un acteur de l’innovation » (hydrogène, photovoltaïque…), « accroître la performance de l’entreprise » (aspects ressources humaines, dialogue social, diversité et parité).

Se concerter avec le port de Marseille

Lors de la séance des questions-réponses, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, elle a précisé : « Je m’inscris dans la stratégie de la CNR à l’horizon 2030 mais j’apporterai un regard neuf, riche de mes expériences passées ».

Cette stratégie, bâtie en partie avec le personnel de la CNR, est déclinée de manière biennal, ce qui rend des évolutions possibles, selon cette responsable, « si nécessaire, pour être toujours au rendez-vous de la transition écologique ».

Parmi les innovations récemment accomplies, elle a mis en avant le quai des énergies au port de Lyon, « station service pour les véhicules », qui propose du biogaz et de l’électricité tandis que l’hydrogène est prévu à partir de début 2022 avec « un petit électrolyseur ». Elle a cité les projets en lien avec l’hydrogène (OH2) à Pierre Bénite « pour des usages industriels » et à Lyon « pour la mobilité ». Elle a rappelé que la CNR est partenaire du projet Jupiter 1000 à Fos pour la production d’hydrogène vert.

Interrogée par des députés sur des actions concrètes autour du fret et du tourisme fluvial, elle n’a pas répondu mais cité des réalisations comme le simulateur au port de Lyon Edouard Herriot, le centre de gestion de la navigation ou CGN « qui accompagne les navigants ».

Pour le tourisme fluvial, elle a évoqué l’installation de bornes « de haute tension » le long du Rhône pour permettre aux bateaux de se brancher à l’électricité une fois à quai.

Devant les sénateurs, qui lui ont également demandé des précisions sur la navigation intérieure sur le Rhône, elle a répondu : « Parmi nos missions d’intérêt général, nous sommes actifs pour le fluvial. Nous opérons une vingtaine de ports le long du Rhône. La question du report modal est la clé pour le développement du fluvial qu’il est important de mieux connecter au ferroviaire ».

A une question d’une sénatrice sur les relations avec le GPM de Marseille-Fos et les conditions qui y sont faites au fluvial, là aussi, pour elle, c’est une « clé » mais cette fois-ci, il s’agit d’une « collaboration clé » qui doit être « sans faille ». Pour elle, « il est important que nous arrivions à nous concerter avec ce grand port de façon à accélérer le choix du fluvial versus la route. C’est quelque chose sur laquelle la CNR a bien l’intention de travailler dans les années qui viennent ».

Pour une gouvernance équilibrée

Plusieurs sénateurs ont insisté sur son parcours professionnel assez long chez Gaz de France devenu Engie, soulignant que cet industriel était l’un des actionnaires de la CNR et voulant être certains qu’elle saurait faire table rase de son passé dans cette entreprise : « Oui, j’ai été chez Engie. Aujourd’hui, ma boussole est l’intérêt de la CNR. L’actionnariat est équilibré et comprend aussi des collectivités locales, la Caisse des dépôts » a t-elle répondu.

Son parcours professionnel dans le secteur de l’énergie lui permet, en tout cas, d’être à l’aise sur les sujets qui y sont liés mais les deux auditions montrent que sur les aspects « navigation », elle a une belle marge de progression et un besoin d’acculturation pour dépasser les déclarations générales et convenues. Pas un mot sur le tout récent rapport de Medlink Ports, VNF est apparu aux détours d’une phrase, au demeurant peu claire, sur la gestion des crues du Rhône. Elle est certes arrivée depuis seulement 5 semaines mais le temps presse : son mandat est programmé pour 20 mois, le terme étant aligné avec la fin de celui d’Elisabeth AYRAULT si celle-ci n’avait pas décidé de partir de manière anticipée. Et la situation du fluvial sur l’axe n’est pas des plus florissantes.

Le vote des deux commissions aux affaires économiques a été favorable à la nomination Laurence BORIE-BANCEL à la présidence du directoire de la CNR. Le décret du Président de la République est désormais attendu.