Les JO, et après… ? Interview de Didier Leandri

Quel bilan tirez-vous de la cérémonie d’ouverture ?

Le 26 juillet 2024, pour la première fois, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques s’est tenue en dehors d’un stade, sur un fleuve, transformant la Seine en un théâtre vivant où près de 10 000 athlètes ont défilé à bord de plus de 90 bateaux. Bateliers, techniciens, personnel de bord… plus de 5 000 acteurs de la Seine ont travaillé main dans la main pour rendre mémorable ce moment historique.

Ce résultat a pu être obtenu grâce à l’engagement et au professionnalisme des acteurs du fleuve, à la compréhension et à l’adaptation permanente des navigants, notamment des mariniers qui n’étaient pas directement impliqués dans cette cérémonie.

Au-delà de la cérémonie d’ouverture quelle a été l’implication de la filière dans les jeux ?

La filière fluviale a aidé à bâtir le village olympique, verdi 25 % de la flotte de tourisme en navigation dans le bief de Paris, mis en conformité l’ensemble de la flotte de bateaux, assuré la continuité des acheminements de fret dans des conditions hors norme, et mis en valeur les athlètes lors de la parade.

En ce sens elle a été un acteur essentiel et déterminant dans l’organisation et la réussite des jeux.

Les jeux, ce furent aussi des contraintes ?

Les jeux nous ont fait sortir de notre zone de confort et ont évidemment grandement perturbé nos activités avant, pendant et juste après.

Les conditions d’exploitation pour le fret ont été rendues très difficile lors de la préparation des jeux avec une interdiction totale de transit pendant 6 jours avant la cérémonie, pendant les épreuves en eau et lors du démontage. Retards, pertes de trafic et conditions de travail dégradées constituent aussi l’envers du décors.

La filière du tourisme en a payé aussi le prix avec des baisses de fréquentation pouvant aller jusqu’à – 50 % en juillet et août 2024.

Pour tout cela nous demandons à être indemnisés, ce sera le rôle de la Commission d’indemnisation qui a été mise en place par les Pouvoirs Publics. E2F travaillera au plus près avec la Commission et la Profession pour que les demandes soient satisfaites.

La page est-elle maintenant tournée ?

Ce serait une erreur de refermer ce qui est qualifié par certains de parenthèse.

Le fonctionnement en collectif de la filière pendant 3 ans a révélé des besoins, des attentes et des pistes d’amélioration, un rôle déterminant de la représentation professionnelle aussi.

Des besoins, en termes d’aménagements notamment, citons par exemple le besoin en postes d’attente, l’électrification de quai pour la recharge des bateaux ou leur sourcing aux escales.

Des attentes, en termes par exemple de logistique urbaine pour pallier la saturation des infrastructures routières.

Des pistes d’amélioration sur la coexistence des usages loisir/commerce, fret/tourisme par exemple.

Quel héritage pour la voie d’eau ?

Le premier héritage, en tant que représentant professionnel, est clairement celui de la cohésion du secteur. L’alignement des acteurs à tous les niveaux de la chaîne de valeur fluviale en vue de l’échéance du 26 juillet a montré, dans un secteur souvent perçu comme fragmenté, que le fonctionnement par projet permettait de soulever des montagnes.

Le deuxième héritage est bien-sûr matériel :

Le verdissement des flottes a franchi un cap irréversible : 25 % de la flottes de passagers est désormais zéro émission à Paris, 40 % de la flotte de la parade.

L’aménagement du petit bras de l’Ile Saint Denis, praticable grâce à un alternat, disposant de nouveaux postes d’attente.

Des aménagements dans Paris constitués de ducs-d’albe installés pour les JO.

Le troisième héritage relève de la visibilité du secteur :

Bien-sûr, un milliard et demi de téléspectateurs ont pu voir les athlètes défiler à bord des bateaux confortant la place de Paris comme capitale mondiale du tourisme fluvial et comme capitale du tourisme tout court.

Mais surtout au-delà de la visibilité, ce à quoi nous ont amené les jeux c’est à une connaissance fine du secteur et de ses enjeux par toutes les strates de l’organisation administrative

Qui connaissait avant les jeux le caractère stratégique et vital de la Seine pour le commerce extérieur de la France ? je pense évidemment aux céréales.

Qui imaginait que nous pouvions mobiliser 90 bateaux pour la parade et disposer d’un personnel aussi mobilisé, impliqué et professionnel ?

L’héritage, n’est-ce pas également la réappropriation du fleuve Seine pour d’autres activités de la navigation ?

Bien-sûr, utiliser la Seine et ses abords comme un grand théâtre a suscité des idées pour l’avenir. Comment ne pas mentionner le projet des baignades comme héritage emblématique des JOP2024 ? Comment omettre de mentionner les aménagements de voierie, les fermetures de ponts, l’accessibilité aux quais ?

Le corollaire c’est que maintenant tout le monde sait qu’on ne peut pas jouer aux apprentis sorciers avec la filière fluviale car elle représente un enjeu économique, sociétal et environnemental pour elle-même et la collectivité.

La Profession s’attelle maintenant à établir un retour d’expérience pour que ce que nous avons appris et compris serve le développement de la voie d’eau dans les mois et les années à venir.