La filière tourisme en berne : le cas bordelais

C’est à l’Hôtel Burdigala (Bordeaux) que Brigitte Bloch, Présidente de l’Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole (OTCBM) et Vice-présidente de Bordeaux Métropole en charge du tourisme, Patrick Seguin, Président de la CCI Bordeaux Gironde et Olivier Occelli, Directeur de l’OTCBM ainsi que leurs partenaires ont présenté, au début du mois de mars, le bilan touristique et le baromètre de l’hôtellerie 2020 pour l’ensemble de la filière tourisme. Une rencontre qui a également été l’occasion de revenir sur les actions de relance mises en place au cours de cette année et de présenter les opérations prévues pour 2021.

Un bilan qui illustre l’interdépendance des activités de croisière fluviale avec l’écosystème de tourisme territorial, avec ce qu’il a le plus souvent de bon, mais aussi de moins bon quand la crise s’en mêle. L’engagement des acteurs est déterminant pour la reprise.

De l’avis général, 2020 risque fort de rester dans les mémoires comme l’année la plus catastrophique que l’on ait jamais vue pour l’activité hôtelière. Crise qui impacte d’ailleurs tout particulièrement Bordeaux, une des villes les plus touristiques de l’Hexagone. « Avant cette pandémie, Bordeaux, avec ses 9,5 millions de visiteurs dans l’année, était la première ville de France après Paris en termes de fréquentation touristique. Aujourd’hui, elle est cinquième ou sixième. Le taux d’occupation hôtelière a chuté de près de 55% et le revenu par chambre a baissé de 36€ », se lamente Patrick Seguin. Une crise dont l’impact a été d’autant plus violent que la manne touristique provenait en grande partie de l’étranger. Un flot de visiteurs jusqu’ici considérés comme les bienvenus mais désormais interdits de séjour sur le sol français en raison des mesures anti-Covid.

Un point de vue que confirme Olivier Occelli : « Après une période de croissance, la ville a atteint un seuil élevé avec un des taux d’occupation les plus forts de France. 2020 devait marquer un autre seuil car l’année était attendue comme exceptionnelle en raison, notamment, d’événements d’affaire. Or, tout cela a été stoppé net à cause des confinements successifs, de l’absence de clientèle internationale et de l’annulation desdits événements. Derrière ces baisses de fréquentation, il y a celle du secteur privé avec beaucoup d’hôteliers et de restaurateurs en activité partielle ou connaissant des situations complexes, mais aussi celle de l’Office de Tourisme ».

Un tourisme urbain en berne

Entre baisse des visiteurs et périodes de fermeture, les musées et lieux d’exposition de la ville (musées municipaux, Musée du Vin et du Négoce, Musée des Douanes, la Cité du Vin, le FRAC, Cap Sciences) affichent pour leur part, une fréquentation en chute de 57% avec 638 000 entrées contre 1,49 millions en 2020. Des chiffres cependant atténués grâce à la gratuité des musées municipaux durant l’été et à l’application d’un tarif spécial à la Cité du Vin pour les habitants de la Métropole.

A noter, en revanche, le succès des bassins de lumières. Ouvert en juin 2020, le site a enregistré près de 430 000 entrées ce qui en fait le site culturel le plus fréquenté de l’agglomération pour cette année. Au total, l’ensemble des sites culturels bordelais a reçu, selon l’OT, plus d’un million de visiteurs l’an passé.

Également victimes de la crise, les monuments connaissent, quant à eux, une fréquentation en baisse de 74% (seulement 37 000 entrées). Ainsi, la Tour Pey-Berland, édifice le plus fréquenté de Bordeaux, n’a-t-elle pas rouvert ses portes depuis le premier confinement. Elle devrait prochainement accueillir du public avec un système de réservation obligatoire afin de respecter les mesures sanitaires en vigueur. Une situation qui a fait de la Flèche saint-Michel, le monument le plus visité en 2020 avec 14 000 entrées (soit une baisse de fréquentation de 46%).

« Du côté de l’OTCBM, le programme de visites guidées a été adapté, précise Olivier Occelli. Alors que la demande habituelle porte plutôt sur les visites du Bordeaux du 18e siècle, une toute nouvelle offre a été créée afin de séduire une clientèle locale : des thématiques originales ont été proposées suivant des formats plus courts. Parmi les grands succès, la mini-visite des soubassements du Monument aux Girondins, la découverte des dessous du Miroir d’Eau et l’insolite  »Petits Secrets et Grandes Histoires » ».

L’eau, l’air, la terre…

Ville portuaire baignée par la Garonne, Bordeaux jouit tout au long de l’année d’un tourisme fluvial et maritime. Du moins, en général, car en ce qui concerne les croisières maritimes, toutes ont été annulées en 2020, exception faite de celles organisées par la Compagnie du Ponant qui, avec son navire -Le Bougainville-, a réalisé 11 escales pour un total de 790 passagers (en 2019, 53 escales dont 43 à Bordeaux Centre, ont eu lieu pour un total de 42 000 passagers).

Fin 2020, 67 escales étaient prévues pour la saison 2021 mais une vingtaine a déjà été annulée.

Concernant les balades fluviales, les grands opérateurs de croisières à la journée ou à la demi-journée (Bordeaux River Cruise, Burdigala, Marco Polo, Yacht de Bordeaux) voient leur fréquentation baisser de 80% avec seulement 24 000 passagers transportés.

Toujours pour les mauvais chiffres, l’aéroport de Bordeaux comptabilise 2,3 millions de passagers, soit une baisse de 70,6% par rapport à 2019. Le trafic international chute lourdement (-76%) et ne représente plus que 48% des vols, les 52% restant portant sur le trafic domestique. Une répartition bien différente de celle de l’année 2019 qui était de 60% pour le premier et de 40% pour le second.

Également impacté, le trafic ferroviaire l’est cependant moins que l’aérien puisqu’il n’accuse globalement qu’une baisse de 24% de fréquentation sur les Lignes à Grande Vitesse (Île de France, Toulouse, Strasbourg/Lille, Hendaye/Tarbes) et intercités (Nantes, Marseille).

Des perspectives et de l’espoir

« 2020 a été une année très difficile pour tout le monde. Indicateur clé, une baisse des nuitées de 41%, montre à quel point l’économie a été touchée et à quel point elle est résiliente car dès qu’on a pu bouger (cet été), on a vu combien les gens avaient envie de sortir », note pour sa part, Brigitte Bloch. « Nous avons mis en place un certain nombre de fonds d’aide, comme l’aide aux loyers pour lequel 2,27 millions d’euros ont été accordés (dont 61% pour les cafés, hôtels, restaurants). Mais aussi l’aide à la trésorerie (3,79 millions d’euros dont 76% pour les hôtels et restaurants). Un fonds d’aide digital de 809 800 € et une taxe de séjour (2M€) dont le versement a été différé à juin 2021 et janvier 2022 ont également été programmés. Des engagements stratégiques et financiers ont aussi été pris pour accueillir à Bordeaux, de grands événements dans les années futures, tels que la Coupe du Monde de Rugby en 2023 et les Jeux Olympiques de 2024 ». Parallèlement, Une subvention d’aide et de relance à l’OTCBM de 1,4 million d’euros a permis le lancement d’opérations d’envergure destinées à doper le tourisme de proximité et national (semaine de visites guidées « Bordeaux nous envoie balader », jeux-concours City Pass, campagne nationale « Avec un Grand Air », partenariats Oui-Sncf…). Un plan de relance qui doit se poursuivre dès la reprise, avec de nouvelles actions telles que l’opération « Restez dormir à Bordeaux, nos hôtels vous font les prix doux » pour redynamiser les nuitées hôtelières en proposant aux habitants de la région, des tarifs exceptionnels.

Destinée à encourager les entreprises néo-aquitaines à organiser leurs événements à Bordeaux, l’opération « Bordeaux nous réunit » leur offrira un moment de convivialité.

Créé en 2017 pour valoriser la diversité paysagère et culturelle ainsi que le potentiel créatif de Bordeaux Métropole, le webzine « Un Air De Bordeaux » promeut un tourisme de proximité à visage humain et à faible empreinte carbone. « Plus qu’un outil, cette marque sera plus que jamais à entretenir et à développer dans les années à venir. En 2021, Un Air De Bordeaux va connaître une série d’optimisations afin d’aller encore plus loin dans la promotion du tourisme équilibré et positif.

Par ailleurs, Bordeaux Convention Bureau lancera prochainement une offre packagée visant à favoriser l’organisation d’événements à impact positif. L’objectif étant aussi d’accompagner les organisateurs dans cette démarche. « C’est l’un des objectifs de ces prochaines années : faire de la métropole bordelaise, une destination exemplaire, reconnue et engagée pour un tourisme et un événementiel durable. Désireux de montrer la voie, l’Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole est en cours de certification ISO 20121  »système de management responsable appliqué à l’activité événementielle » et il participe à un groupe de réflexion pilote de destinations françaises aux côtés de Biarritz, Metz, Cannes, Deauville, Nantes, Rennes, Marseille et Nancy ».

L’année 2021 devrait d’ailleurs être marquée par la mise en place par l’OTCBM, d’une gouvernance partagée avec tous les acteurs de la filière touristique. Parmi les prochaines étapes : l’organisation du Premier forum participatif sur le Tourisme Durable à Bordeaux Métropole, la réflexion et l’élaboration du plan d’actions par le groupe de travail et la création d’une feuille de route à cinq ans mettant en forme la stratégie touristique métropolitaine.

Parallèlement, Bordeaux Métropole prévoit l’élaboration d’une charte métropolitaine en faveur des éco-hébergeurs touristiques, le co-financement de la certification par les hébergeurs ainsi que la prise en charge la certification « NF sites de visites » pour les grands sites touristiques avec lAfnor. A noter que le cabinet In Extenso tch qui a réalisé pour la CCI cette étude relative à 2020, restituera les résultats de cette enquête ainsi que les perspectives pour 2021-2022, le 18 mars à 14h30 lors d’un webinaire.

ZOOM SUR : le tourisme fluvial sur le canal du Midi :

Les croisières sur le canal du Midi sont en cale sèche, sur fond de pandémie de coronavirus. Les professionnels appellent les élus et les Voies navigables de France à agir pour soutenir un secteur secoué. Le contexte est compliqué, atteste Richard Munos, gérant de Toulouse-Croisières, « nous avons 900 réservations en attente, nous voulons rester optimistes mais cela devient anxiogène pour les équipes », se désole cet opérateur.

À tel point que Valérie Piganiol, présidente de Toulouse au Fil de l’O a interpellé Carole Delga, présidente du conseil régional, Georges Méric, président du conseil départemental, Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole et Étienne Guyot, préfet d’Occitanie, pour rappeler la situation précaire des acteurs économiques, liée au contexte économique de 2020 et les interrogations pour le premier semestre 2021. « L’État et Voies navigables de France estiment les pertes à plus de 80 % avec une période estivale qui n’a pas compensé, déplore Valérie Piganiol. »

Sur le canal du Midi, les touristes étrangers ont disparu alors qu’ils représentent 80% de la clientèle des péniches-hôtels. Les bateaux à passagers ont été contraints de réduire leurs jauges et donc d’accueillir moins de monde à bord. Et ne parlons pas des bateaux et maisons éclusières qui font de la restauration…