Paris revoit son cahier des prescriptions des berges de la Seine

Le Conseil de Paris a adopté, le 12 octobre 2022, un nouveau cahier des prescriptions architecturales, paysagères et environnementales des berges de la Seine qui donne un cadre commun aux projets sur ce secteur. La première édition de celui-ci, qui date de 1999, visait à« créer un référentiel qui soit à la fois gage de qualité et d’harmonie architecturale et paysagère pour ce grand site patrimonial ». E2F ainsi que la CPP (Communauté Portuaire de Paris) ont été consultées dans le cadre de cette démarche de refonte.

Né d’une volonté partagée de donner une cohérence à l’évolution du site de la Seine au regard de la multiplicité des acteurs, le Cahier des prescriptions architecturales et paysagères de 1999, réalisé initialement par la Ville de Paris, le Port autonome de Paris, les Architectes des Bâtiments de France et l’Apur, donne un cadre commun à chaque projet « ponctuel » sur les berges de Seine parisiennes. Il contient un certain nombre de prescriptions qui s’imposent pour tout usage du domaine concerné aux gestionnaires, amodiataires et exploitants des ports. Les objectifs de l’époque étaient de créer un référentiel qui soit à la fois gage d’une qualité et d’harmonie architecturale et paysagère pour ce grand site patrimonial.

Voici les nouveaux objectifs présentés et adoptés le 12 octobre dernier :

  • Valoriser l’harmonie générale entre les berges,
  • Assurer la simplicité des aménagements ainsi que la sobriété et la qualité des matériaux à employer qui sont les objectifs originels du Cahier des prescriptions.
  • Renforcer le respect des vues sur le fleuve et les berges dans l’insertion des constructions sur les berges et des installations flottantes fixes ou des bateaux.
  • Mieux prendre en compte l’accès à tous pour les nouveaux aménagements.
  • Adapter au changement climatique tous les aménagements nouveaux et les modifications des aménagements et installations existants.

Le cahier des prescriptions traduit donc l’accord de l’État, de la Ville de Paris, de HAROPA PORT et de VNF sur le fleuve et le mode de traitement des espaces et s’adresse à l’ensemble des personnes morales ou physiques susceptibles d’agir sur le paysage des berges parisiennes.

Depuis les années 2000 et les débuts de la mise en œuvre du Cahier des prescriptions, un certain nombre d’évolutions de fond ont élargi les usages et les fonctions des berges, et ont nécessité des réponses adaptées. Quatre types d’évolutions se sont succédés au cours de ces années.

La qualité architecturale des constructions industrielles et portuaires est devenue un enjeu croissant au cours de ces deux décennies. La construction de la Bibliothèque nationale de France dans le 13ème arrondissement et son ouverture sur le fleuve avec les emmarchements et le grand parvis en bois, ont été un élément déclencheur pour les ports de la Gare et de Tolbiac situés directement en contrebas. La transformation de ces deux ports est ainsi devenue le précurseur de la transformation progressive des ports industriels et logistiques, à mesure de leur modernisation.

Un deuxième levier d’évolution est apparu dans les mêmes années avec le développement quantitatif des bateaux et établissements flottants à destination d’animation et de loisirs, sur un grand nombre de ports. La multiplication des installations à quai et leurs qualités architecturales et paysagères hétérogènes ont incité les partenaires du Cahier des prescriptions à élaborer des prescriptions particulières pour les aménagements temporaires sur les terre-pleins. Ces prescriptions figurent dans un document distinct du Cahier des prescriptions depuis leur approbation en 2015.

Une troisième évolution majeure a été la transformation des anciennes voies sur berges circulées en un nouvel espace public, appelé le Parc Rives de Seine, sur la rive gauche puis sur la rive droite de Paris au tournant des années 2000 et 2010. La recherche de nouveaux usages plus urbains et la prééminence des déplacements doux sur ces berges ont entraîné une transformation du paysage tournée vers une attention plus grande aux usages, aux appropriations spontanées et à la présence renforcée de la végétation et des arbres.

Enfin, une évolution réglementaire, avec la réalisation du Plan Local d’Urbanisme de Paris en 2006. Elle a posé comme un principe fort la préservation des grands services urbains, et notamment la partie fret fluvial dans l’approvisionnement et le fonctionnement de la ville productive. Le classement d’une partie des espaces portuaires dans le zonage en UGSU (Zone urbaine de grands services urbains) a consacré cet enjeu dans le PLU approuvé en 2006. En parallèle, les orientations d’aménagement et de programmation concernant la Seine, dans le PLU en vigueur ajoutent deux éléments importants : la préservation des milieux et des ressources, ainsi que la préservation, la végétalisation et la perméabilité des berges non imperméabilisées des cours et des plans d’eau. La mise en révision du PLU parisien pour un nouveau PLU bioclimatique conforte cette vocation mais y ajoute l’enjeu de l’adaptation au changement climatique des berges de Seine.

Au cours des travaux de l’Atelier Seine mis en place en 2018 entre les différents partenaires publics concernés par la Seine et animé par l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), il est apparu utile de faire évoluer et d’entamer un travail de révision du CPAP sur plusieurs volets. Pour cette nouvelle rédaction, un comité composé de la Ville de Paris, HAROPA PORT Paris, Voies Navigables de France, l’Unité départementale de l’architecture et du Patrimoine de Paris et l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), s’est réuni en 2021 et au début 2022. Le comité de rédaction s’est attaché à définir les nouveaux contours du cahier des prescriptions et a engagé un travail de réécriture du Cahier initial en actualisant les objectifs généraux, l’organisation des parties du texte, les modifications à effectuer dans les textes existants et les nouveaux textes à insérer. Ce nouveau Cahier est le résultat de plusieurs réunions de travail entre les partenaires et le fruit des discussions entre les points de vue différents pour parvenir à un texte partagé et porté par l’ensemble des parties prenantes.

Les objectifs assignés à cette nouvelle édition du Cahier des prescriptions visent principalement à valoriser l’harmonie générale entre les berges, à assurer la simplicité des aménagements, ainsi que la sobriété et la qualité des matériaux à employer qui sont les objectifs originels du Cahier des prescriptions.

Le respect des vues sur le fleuve et les berges s’est renforcé notamment dans l’insertion des constructions sur les berges et des installations flottantes fixes ou des bateaux. L’accès à tous doit être pris en compte pour les nouveaux aménagements. Enfin, la résilience et l’adaptation des berges au changement climatique figurent parmi les objectifs généraux et devront être recherchés pour tous les aménagements nouveaux et les modifications des aménagements et installations existants.

Les installations sur les berges de la Seine s’apprécient différemment selon la situation des berges dans le paysage parisien. Pour cette raison, le Cahier des prescriptions comprend une première partie qui a identifié cinq séquences différentes.

Une classification en 5 séquences du Paris historique aux berges du Bois de Boulogne, a permis de définir des prescriptions générales pour toutes les séquences ou spécifiques selon les séquences, afin d’accroître le champ des possibilités.

L’intégration des berges du bois de Boulogne dans le Cahier des prescriptions est une nouveauté très importante. Elle constitue en effet l’unique berge naturelle à Paris, représente environ 21 hectares du bois et s’étire sur 3 kilomètres. Partie intégrante des 846 ha du bois de Boulogne, la berge représente un intérêt patrimonial et paysager important pour la Ville de Paris. Il en découle également un intérêt écologique lié à la trame verte et bleue et à la Seine comme corridor écologique à l’échelle régionale : les sols doivent rester perméables, sauf raisons de service, ou doivent le redevenir à chaque fois que cela est possible. Les mobiliers urbains ou de service doivent être très limités. L’éclairage urbain est proscrit. Les installations sur les berges doivent rester limitées aux organes d’amarrage et aux passerelles d’accès au bateau, ce qui empêche toute possibilité d’installations saisonnières sur ces berges.

La partie 2 du document consacré aux berges précise la nature et les principes d’aménagement pérenne, ainsi que ceux des installations à quai. Cette partie connaît plusieurs modifications dont certaines sont liées au séquençage. C’est ainsi que les matériaux de sols sont plus restrictifs dans la séquence 1a (Paris historique) où il est prévu que les sols soient en pavé avec la possibilité d’espaces particuliers en sol stabilisé permettant l’accessibilité pour tous. Dans les autres séquences, une plus grande variété de matériaux est autorisée et notamment des surfaces en stabilisé pour renforcer la perméabilité des sols des terre-pleins. Il est précisé qu’en cas de réaménagements des rampes descendant vers les berges, les projets de réaménagement devront tenir compte des réglementations liées aux personnes en situation de handicap, conformément à la loi handicap.

Les prescriptions relatives aux installations saisonnières à quai sont désormais inclues dans le Cahier et les prescriptions sont détaillées et différenciées selon les séquences, tout en privilégiant un principe d’harmonie et de discrétion de ces installations sur les terre-pleins des quais. Il est notamment rappelé que la promenade en bord à quai doit être maintenue libre d’obstacle sur l’ensemble des berges accessibles au public.

Les prescriptions relatives à la plantation et à la végétalisation ont été accrues et diversifiées dans ce nouveau Cahier, en élargissant la palette des dispositifs de plantation d’arbres, en précisant le choix des essences pour tenir compte du milieu naturel (arbres des milieux humides), de l’absence d’arrosage automatique ou de l’adaptation au changement climatique et de la résilience accrue des berges. Les textes relatifs aux mobiliers des berges ont été revus pour tenir compte des usages et des fonctions accrues : bancs, sanitaires, branchements aux réseaux urbains, équipements d’exploitation. Il est précisé que les clôtures et les garde-corps en bord à quai sont proscrits ou limités à des situations exceptionnelles.

La partie 3 consacrée aux bateaux et au plan d’eau est reprise du Cahier dans sa version de 1999. Toutefois, des éléments importants ont été précisés ou ajoutés dans ce nouveau Cahier afin de pouvoir préserver les vues sur le plan d’eau depuis le bord à quai. C’est ainsi qu’un écart minimum de 5 mètres doit être respecté entre les maçonneries des ponts et l’implantation des bateaux ou équipements flottants.