L’hydrogène appliqué au transport fluvial : preuves par l’exemple

Au-delà de la décarbonation de l’industrie, l’hydrogène peut être utilisé pour verdir d’autres secteurs, et notamment celui de la mobilité. Comme tous les autres modes, le transport fluvial suit la voie de la décarbonation d’ici à 2050. Découvrez ci-dessous deux exemples d’application de l’hydrogène au mode fluvial.

Transport de marchandises : Zulu 6, une barge à hydrogène sur la Seine

Armateur et propriétaire de 40 navires de mer et 160 bateaux fluviaux, Sogestran Group mène depuis plusieurs années, une politique de décarbonation sur trois piliers : « Tout d’abord, sur les longues distances, entre Le Havre et Paris, notre bataille consiste à diminuer le CO2, avec l’utilisation de carburants plus propres comme le BioGNL, le Biométhanol ou encore le Greenamonia. Pendant six mois, nous avons aussi testé l’EP100 de Saipol, le carburant à base colza, et bientôt le HVO, un diesel de synthèse », explique Matthieu Blanc, directeur de l’activité fluviale de Sogestran Group.

Une étude est également menée depuis onze ans, avec la mise en place de centaines de capteurs sur les bateaux, pousseurs et barges qui ont permis de collecter « des millions et des millions de data. On sait désormais que nos unités passent 40% de leur temps au bord d’un quai. C’est pourquoi nous militons pour le branchement électrique sur les bornes HAROPA/VNF. C’est 15% de consommation de gasoil en moins et donc moins de pollution », estime Matthieu Blanc.

C’est toujours dans cette optique que le groupe s’est lancé dans la construction du Zulu 6 pour le compte de la filiale Blue Line Logistics du groupe, qui livre principalement Paris à partir du port de Gennevilliers. « En zone urbaine, notre objectif est zéro émission, zéro rejet. On pense que cela passe par deux moyens : la batterie et l’hydrogène vert ».

En lançant son projet il y a cinq ans, Sogestran Group a choisi de partir sur la base d’un pousseur long de 50 mètres et d’une largeur de 8 mètres, « l’équivalent de vingt poids-lourds ou deux cents camionnettes.Le Zulu 6 sera doté d’une cabine de pilotage à l’avant, d’un pont plat avec une grue autodéchargeante et, à l’arrière, de deux conteneurs. Un pour contenir la pile à combustible et l’autre le réservoir d’hydrogène vert à 350 bars pour 400 kilos. Nous avons appris qu’il ne fallait pas mettre d’hydrogène dans la salle des machines », précise Matthieu Blanc.

Question planning, la barge rejoindra Le Havre dans la première quinzaine du mois de mars 2022. Elle sera alors équipée de sa machinerie à hydrogène « avant que les premiers essais soient lancés en juin ». Nous devrions l’inaugurer en septembre, promet Matthieu Blanc. « Zulu 6 travaillera alors comme les autres unités. Il pourra parcourir les 30 kilomètres en trois heures et livrer les différents sites avant que les colis ne repartent en vélos cargos ou en triporteurs dans Paris. » D’un prix total de 4 millions d’euros, financés massivement par l’UE, son coût journalier d’exploitation par rapport à un bateau fonctionnant au carburant fossile sera de « + 30% pour le moment ».

« L’hydrogène vert est à environ à dix euros le kilo alors qu’il faudrait approcher les deux euros le kilo. Pourquoi on fait cela alors ? Parce qu’on croit dur comme fer à la distribution urbaine et au renforcement des lois sur la présence des camions et camionnettes dans Paris. Zulu 1,2 et 4 fonctionnent déjà très bien en Belgique. Ce n’est pas un truc d’hurluberlu. Nous sommes dans le Top 5 des transporteurs fluviaux et nous devons être visionnaire et exemplaire. Nous ferons notre job ! », précise Matthieu Blanc.

Transport de voyageurs : Un bac à hydrogène pour traverser la Loire

C’est l’un des investissements emblématiques en matière de mobilité du Projet stratégique 2021-2028 adopté par le conseil départemental de Loire-Atlantique. Un nouveau bac, plus grand et plus écologique, va venir renforcer la flotte des bacs de Loire, à l’ouest de Nantes. Les bacs de Loire, dont l’accès est gratuit, transportent plus d’un million de voitures par an (2,3 millions de passagers en 2019).

Deux lignes permettent aux piétons, cyclistes et automobilistes de franchir le fleuve : Basse-Indre-Indret et Couëron-Le Pellerin. Elles sont opérées par deux bateaux récents de 40 places (Le Lola et L’Ile Dumet) et un troisième de 18 places (Anne-de-Bretagne) utilisé uniquement en réserve. Et c’est bien pour remplacer ce dernier que le département prévoit d’investir.

« Le navire Anne-de-Bretagne est âgé et d’une faible capacité par rapport à nos besoins. Il fonctionne, en plus, avec une propulsion diesel qui n’est plus adaptée aux enjeux environnementaux », justifie Freddy Hervochon, vice-président du conseil départemental.

Le Département a prévu 16 millions d’euros pour ce bateau nouvelle génération d’une capacité de 40 places qui « fonctionnera à l’hydrogène vert extrait à partir du trop-plein des éoliennes et participera au lancement de la transition énergétique dans l’estuaire de la Loire en liaison avec le parc d’éoliennes off shore au large de Saint-Nazaire », indique Freddy Hervochon, vice-président du conseil départemental, en charge des mobilités.

« Le point faible des éoliennes, c’est qu’on ne peut pas piloter l’énergie. C’est-à-dire qu’elles peuvent tourner et produire de l’énergie quand on en n’a pas besoin. Donc, une des solutions est d’utiliser le surplus d’énergie pour extraire l’hydrogène. En Vendée, une usine d’hydrogène vert s’est installée. On peut imaginer une telle installation dans l’estuaire de la Loire, au pied des éoliennes » explique Freddy Hervochon.

Les habitués des bacs devront toutefois patienter avant d’embarquer. Le lancement du marché de construction est prévu pour le premier semestre 2023. La livraison s’effectuera à l’horizon 2026.