Les voyages à vide, un gisement de trafics pour le fluvial

Lors d’une table ronde de Riverdating le 2 décembre 2020, VNF a présenté une démarche en cours autour des voyages à vide sur le réseau français. Ceux-ci représentent un potentiel de report modal et pourraient amener de nouveaux trafics au fluvial. L’établissement conduit aussi un projet de remplacement du système dématérialisé de déclaration Veli.

« Le mode de connaissance des données sur les voyages des bateaux est parcellaire, fondé sur les déclarations de chargement, c’est-à-dire que nous avons connaissance des bateaux chargés, a rappelé Eloi Flipo, responsable de la division transport et report modal au sein de la direction du développement de VNF. Nous avons subodoré qu’un nombre important de bateaux à vide navigue sur le réseau et nous souhaitons obtenir davantage de connaissances sur eux pour plusieurs raisons. Cela peut permettre d’identifier des potentiels de report modal, de capacité de charge, de réduire les coûts de rotation et l’empreinte carbone ».

Avec les déclarations de chargement des transporteurs fluviaux effectuées selon la loi, VNF collecte des données sur environ 55 000 à 60 000 voyages de bateaux chargés qui naviguent chaque année sur le réseau confié à l’établissement. Pour 2019, ce sont 17 000 voyages à vide qui ont été identifiés et, pour 2020, environ 19 000 mais cette année n’est pas achevée.

Pour rappel, les déclarations de chargement fournissent des informations sur le voyage : quais de départ et d’arrivée, dates de départ et d’arrivée, identifiant du bateau (nom et immatriculation), cargaison (type de marchandise et quantité chargée). Le voyage à vide s’identifie quand la quantité chargée est à zéro.

Une démarche en trois étapes

La démarche de collecte et d’analyse des déclarations de voyage à vide lancée par VNF a pour objectif de mesurer l’intérêt de l’ensemble des acteurs du fluvial et de la chaine logistique globale pour une réflexion sur l’optimisation des bateaux de commerce. « Il s’agit de voir s’il y a un potentiel d’amélioration de la compétitivité du fluvial, notamment en essayant de réduire le nombre des voyages à vide ».

La démarche s’organise en trois étapes. La première est de mettre en évidence les chiffres des voyages à vide, la deuxième d’imaginer de possibles synergies entre les voyages à vide et des trafics potentiels pour favoriser le report modal. La troisième, prévue à partir du premier trimestre 2021, suppose qu’un intérêt se dégage entre VNF et les acteurs du fluvial, il s’agira alors d’affiner les analyses et d’identifier les synergies réellement possibles.

Des situations variables selon les bassins

La première étape est arrivée à son terme et les données ont été présentées lors de la table ronde. Pour le bassin du Nord-Pas-de-Calais, les ports situés sur la liaison Dunkerque–Escaut cumulent entre 300 et 500 voyages à vide sur 2019 et 2020 avec des bateaux de 110 mètres qui peuvent transporter jusqu’à 2 000 tonnes. Pour comparaison, sur la même période, ce sont 180 bateaux qui repartent à vide d’Anvers et 100 qui y arrivent à vide.

Pour l’axe Seine-Oise, sur la partie entre Limay et Gennevilliers, se sont environ 500 bateaux qui arrivent à vide dans chacun de ces deux ports et entre 300 et 1 000 qui en repartent à vide, toujours en 2019 et 2020. Sur la Seine amont, il y a 500 bateaux qui arrivent à vide. Au port de Rouen, on voit repartir près de 1 000 bateaux à vide. Le phénomène est moins flagrant sur le Grand Est, notamment avec l’absence de déclarations de chargement sur le Rhin international. Sur la Moselle, il y a un potentiel avec des voyages à vide du côté du port de Metz. Sur l’axe Rhône-Saône, seul le port de Mondragon se détache avec 140 bateaux qui arrivent à vide.

La deuxième étape a fait appel à des comparaisons de différents indicateurs pour imaginer comment réduire les voyages à vide. Par exemple, deux hypothèses ont été imaginées pour un voyage entre Nogent-sur-Seine et Rouen : un aller chargé (2 000 t)/un retour à vide, un aller chargé (2 000 t)/un retour chargé (2 000 t). « Pour une même distance parcourue, on aurait un tonnage doublé, un chiffre d’affaires qui progresserait de 75 %, une consommation qui progresse et donc des émissions de CO2 qui augmenterait raisonnablement de 17 »%. L’objectif est de livrer à tous ces réflexions et de voir comment avancer », a détaillé Eloi Flipo.

L’idée est d’amener au fluvial de nouveaux trafics, de nouveaux clients ou des clients déjà existants. Sachant que, par exemple, une étude sur des potentiels de trafics a été faite sur le bassin du Nord-Pas-de-Calais. Il s’agirait de recouper ces flux potentiels avec les données sur les voyages à vide et voir si des synergies sont possibles. Une étude similaire pourrait être réalisée sur les autres bassins puis des recoupements avec les voyages à vide seraient faits pour déterminer les éventuelles synergies de trafics.

Vers une nouvelle plate-forme à la place de Veli

D’un point de vue plus global, les données dont disposent l’établissement sont déclaratives : « Elles ont donc leurs limites. Les transporteurs doivent, selon la loi, déclarer leur transport. Pour des raisons diverses, nous n’avons pas toujours toutes les déclarations, ce n’est pas de la malveillance ni quoi que soit. Le système actuel est une formalité administrative qui demande un gros travail assez peu intéressant pour les transporteurs tandis que pour l’établissement, il y a toute une vérification de la qualité des données à conduire. Nous souhaitons aller vers une collecte différente des données qui permettrait de simplifier la formalité pour les transporteurs et d’apporter plus de bénéfices en retour à tous les acteurs de la chaine qui sont non seulement les transporteurs mais aussi les chargeurs, affréteurs… », a expliqué Eloi Flipo. Cette ambition de VNF s’inscrit dans le cadre du projet européen Cedre.

L’idée serait de coupler un certain nombre de déclarations (connaissement fluvial, lettre de voiture…) qui sont faites auprès de VNF et qui sont échangées entre plusieurs intervenants et de mettre en place pour cela une plate-forme pour permettre aux différents acteurs de déclarer leurs données et d’en obtenir un bénéfice en retour. La nouvelle plate-forme viendrait remplacer Veli d’ici 2 à 3 ans.

Source : NPI