La batellerie française rêve de renouveau

Le secteur tente d’anticiper l’ouverture, en 2030, du canal Seine-Nord en formant davantage de professionnels. Armateurs et indépendants craignent de voir les futurs marchés échouer aux mains des Néerlandais, faute de compétences suffisantes.

Combien seront-ils, une fois arrivés au port ? C’est la grande question à laquelle les professionnels de la batellerie devront répondre d’ici à 2030, date de la mise en service du canal Seine-Nord. Les mariniers français vont avoir besoin d’un prompt renfort pour absorber, selon les objectifs européens, le report de 30 % du fret moyenne et longue distance vers la voie d’eau et le rail d’ici une dizaine d’années.

Problème : depuis quatre décennies, les effectifs de ce secteur délaissé par les pouvoirs publics, ont plongé. De 12 000 bateliers dans les années 1980, le nombre de marins avoisine aujourd’hui les 3 500 navigants, le double en incluant les professionnels du tourisme.

Le batelier, un capitaine d’industrie

De quoi faire craindre aux observateurs que les futurs marchés échouent entre les mains des Belges et Hollandais, bien mieux armés. « La flotte néerlandaise est aujourd’hui plus performante, suscite plus de vocations et compte plus d’effectifs, y compris au niveau des armateurs. Cela s’explique avant tout par la fiscalité, liée à la transmission d’outils de travail, les bateaux ayant une durée de vie de trente ans », explique Jean-François Dalaise, secrétaire général de l’Alliance Seine-Escaut (un groupement de soutien au canal) et ancien président du Comité des armateurs fluviaux, le syndicat professionnel du secteur.

Le problème est d’autant plus criant que la filière a été totalement transformée. Les images d’Epinal véhiculées par « L’Homme du Picardie », la mythique série de l’ORTF, sont reléguées aux archives de l’INA. Le batelier est désormais un capitaine d’industrie capable d’investir plus de 12 millions d’euros – le prix d’un pousseur et de deux barges – pour acquérir un bateau. En outre, les matériaux transportés, comme les techniques de navigation, ont aussi considérablement évolué. Aux pondéreux s’ajoutent en effet des containers, des matières chimiques parfois dangereuses et peut-être, demain, du GNL ou de l’hydrogène.

Besoin de formation

Le tout grâce à des systèmes de pilotages embarqués de dernière génération nécessitant par définition une formation approfondie des équipages. Dans ce but, le Centre de formation des apprentis de la navigation intérieure (CFANI), située au Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines), s’apprête à investir 6 millions d’euros dans l’acquisition d’un nouveau bateau-école. « La profession pourra financer 20 % à 30 % de ce budget. Pour le reste, nous devons faire appel aux régions », poursuit Jean-François Dalaise. Actuellement, une petite centaine d’apprentis bateliers sont formés chaque année. Selon les professionnels, ces effectifs devront augmenter d’un tiers dans les années à venir pour répondre à la croissance du secteur.