Électricité à quai : harmoniser est une priorité

Une navigation intérieure sans émissions d’ici 2050 ; cet objectif pour la protection de l’environnement et du climat ne concerne pas seulement les installations de propulsion des bateaux de navigation intérieure, mais aussi l’alimentation en électricité à bord pour l’utilisation d’appareils, par exemple lors du séjour dans les aires de stationnement.

L’alimentation électrique des bateaux de navigation intérieure depuis la terre peut constituer un élément important pour la réduction des émissions et du bruit. En outre, l’alimentation des bateaux de navigation intérieure en électricité renouvelable dans les aires de stationnement contribue à la concrétisation des objectifs de la Déclaration de Mannheim et du Pacte vert de la Commission européenne, tout en permettant de mettre à la disposition des futures générations de bateliers des aires de stationnement attrayantes car situées dans des secteurs urbanisés. Morceaux choisis des échanges lors de la matinée du colloque sur l’alimentation électrique à quai de la CCNR et Via Donau du 3 février 2022.

Après un premier colloque en 2018 à Vienne sur l’alimentation électrique à quai, la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) avec Via Donau a organisé une nouvelle journée d’échanges sur ce thème le 3 février 2022 intégralement en ligne et suivie par près de 200 personnes. Morceaux choisis des interventions au cours de la matinée.

Yann Quiquandon, directeur de VNF Strasbourg et membre de la délégation française à la CCNR, a présenté les deux études menées sur le Rhin supérieur (de Bâle à Lauterbourg) pour améliorer les aires de stationnement sur cette partie du fleuve, notamment en y installant l’électricité à quai.

Ces deux études sont conduites par VNF et EDF, qui se partagent l’exploitation du tronçon franco-allemand de l’axe rhénan. L’une des études s’intéresse aux aires pour « les bateaux à cabine transportant des passagers », l’autre à celles pour les unités de transport de marchandises, les besoins étant différents en termes d’usages et d’implantations, selon les activités et les usagers.

Deux études de VNF et EDF sur le Rhin supérieur

L’étude pour les bateaux de tourisme a été réalisée de fin 2017 à début 2020 et a identifié le besoin de trois nouvelles aires de stationnement à Huningue, Vogelgrun et Volgelsheim. Un appel à projets a été lancé par la France pour désigner un opérateur qui réalisera et exploitera les trois aires puis un contrat de concession a été signé en 2021. Les études de conception sont achevées, les travaux devraient démarrer plus tard cette année 2022.

Ces trois nouvelles aires proposeront un service de distribution d’électricité à quai, de l’eau potable, la collecte des déchets ménagers, l’interopérabilité pour le wifi et des places des stationnements pour les bus/autocars. « L’utilisation de ces aires sera mutualisée pour différentes compagnies et le concessionnaire se rémunérera sur les usagers dans le cadre d’exploitation de services », a dit Yann Quiquandon.

L’étude sur les bateaux de marchandises a démarré en 2019 et doit s’achever cette année 2022. « De premiers résultats restants à affiner font apparaître que les sites de Marckolsheim et d’Ottmarsheim seraient les plus opportuns pour installer de nouvelles aires de stationnement. L’objectif est de proposer des services de qualité. La France s’attache aussi à l’homogénéisation des systèmes, composante centrale de l’amélioration qualitatives des aires de stationnement ».

Plaidoyer pour une harmonisation paneuropéenne

Pour Hans-Peter Hasenbichler, directeur général de Via Donau, le verdissement de la flotte mais aussi des infrastructures est une priorité dans le contexte du changement climatique et de la transition énergétique. « Construire de nouvelles aires de stationnement le long du Danube est compliqué mais possible. C’est un sujet important surtout dans les villes où elles disparaissent. L’harmonisation des systèmes est une question centrale, offrir des systèmes harmonisés est crucial, que ce soit au plan national dans un pays, dans un corridor entier, et au niveau européen. Un jour, nous aurons une harmonisation paneuropéenne ». Une homogénéisation est déjà à l’œuvre en Autriche et en Bavière, a t-il précisé.

« L’électricité à quai va jouer un rôle important dans un premier temps pour fournir de l’énergie pour l’exploitation du bateau puis, à partir de 2035, pour la propulsion. Il faudra les infrastructures capables de fournir cette électricité », a ensuite indiqué Raphael Wisselmann, ingénieur en chef à la CCNR.

Au sein du comité environnement et infrastructure de la CCNR, un accord de méthode a été trouvée pour estimer le nombre souhaitable d’aires de stationnement sur un secteur donné. Un document a également a été publié pour présenter une compilation de types possibles d’aires de stationnement et les équipements nécessaires.

En 2022 et 2023, ce même comité va travailler sur l’amélioration quantitative et qualitative des aires de stationnement sur le Rhin, en particulier leurs raccordements au réseau électrique, leurs équipements en station de recharge, la mise à disposition de sources d’énergies alternatives.

Aux Pays-Bas, l’alimentation électrique à quai est devenue possible notamment à Rotterdam. En 2013, à Amsterdam et Rotterdam, elle est devenue obligatoire pour les bateliers, a rappelé Roelof Weekhout, membre de la délégation néerlandaise de la CCNR, qui a lui aussi insisté sur la nécessité de systèmes harmonisé pour le raccordement et le paiement. Il a souligné les différents besoins de puissance entre les bateaux transportant des passagers et ceux transportant des marchandises. « L’avenir sera électrique mais le réseau pourra-t-il fournir toute l’électricité nécessaire ? », s’est-il aussi interrogé.

Les difficultés, selon les navigants

Leny van Toorenburg de l’UENF/OEB est intervenue pour transmettre le retour d’expérience des navigants, en revenant d’abord sur les débuts en 2008 à Rotterdam, « port précurseur », avec une obligation de branchement instaurée en 2013 et la mise en place d’un système payant avec une moyenne de 0,27 cents d’euros par kilowattheure.

Leny van Toorenburg a relevé qu’avec les années, certaines difficultés ont disparu (comme le besoin d’un transformateur « coûteux » à bord) mais d’autres persistent comme un nombre insuffisant de bornes de branchement, du 16 Ampère mis à disposition alors que les bateaux de commerce ont plutôt besoin de 32 ou 64 Ampère. C’est au moins 400 Ampère pour les bateaux de tourisme.

Il y a aussi le poids des câbles, qui rend « le raccordement lourd et exigeant en main d’œuvre ». Des câbles en aluminium seraient plus légers et plus faciles à manipuler mais le coût est élevé, a t-elle souligné, et ils sont plus vulnérables, moins solides. « Il y a une marge d’amélioration pour les câbles ». Il en va de même pour certains des endroits choisis pour l’emplacement des bornes (dangereux car trop près des chaussées où circulent des voitures…).

Comme les intervenants précédents, elle a fait part des difficultés liées aux multiples systèmes pour le paiement ou la connexion. « Il faut aller vers des solutions plus simples et accessibles facilement. Nous avons besoin de plate-forme uniforme de paiement ». Elle a ajouté que les services d’assistance devaient suivre les horaires de travail des navigants dont certains travaillent la nuit ou cherchent à brancher leur bateau un peu tard le soir.

Former les personnels

André Stäudtner, de l’association professionnelle des transports (Allemagne), a abordé « l’aspect humain » de l’électricité à quai.

Au-delà de la lourdeur des câbles et de leur manipulation difficile voire pénible, point évoqué par l’intervenante précédente, André Stäudtner a alerté : « La santé et la sécurité au poste de travail des membres d’équipage doivent être prises en compte. Le poste de travail évolue avec une navigation intérieure allant vers davantage de numérisation et d’électrification ». L’aspect humain n’est pas présent dans les différentes réglementations européennes (EN 15869-1, 15869-3, 16840) sur l’électricité à quai.

Il a souligné que les installations à terre ne sont pas toujours adaptées par rapport au bateau, ce qui oblige parfois les membres d’équipage à faire des acrobaties pour le branchement. Les installations à terre ne prennent pas toujours en compte les risques d’inondation. Parfois quand plusieurs bateaux sont branchés, les câbles traînent à terre de manière désordonnée.

Il a conclu : « La formation du personnel est indispensable. Une évaluation des risques ne doit pas être oubliée. Les installations à terre doivent être raisonnées en prenant aussi en compte le travail que vont devoir accomplir les membres d’équipage pour le raccordement ».

Retrouvez sur ce lien les présentations projetées durant ce colloque.

Source : NPI