« Aller vite mais intelligemment » pour la décarbonation du transport fluvial

Entretien avec Camille Pougnet, responsable chez Ship ST, bureau d’étude spécialisé en architecture et ingénierie navale, sur les nombreux projets accomplis et en cours pour la décarbonation des bateaux fluviaux pour laquelle il faut travailler vite mais de manière intelligente.

« L’ensemble de l’axe Seine est particulièrement dynamique, il y a beaucoup de projets, pas seulement à Paris. Notre implantation date du début des années 2000 à travers un bureau d’études installé à côté de Rouen. Nous avons alors conduit divers projets et travaillé sur le bassin parisien avec les Chantiers de la Haute Seine. Les premiers projets que nous avons eus ont concerné des établissements flottants, pour des études de stabilité, de structure », se souvient Camille Pougnet, responsable bureau d’études chez Ship ST. En tout, au cours d’une décennie, l’entreprise a participé à la réalisation de plus d’une dizaine d’établissements flottants à Paris et en région parisienne.

« Depuis un peu plus de cinq ans, l’activité s’est beaucoup diversifiée », relève le responsable. Actuellement, Ship ST travaille avec la compagnie Vedettes de Paris sur le rétrofit vers l’électricité de quatre sur cinq de leurs bateaux d’ici les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. « Les études sont en cours et avancent bien, selon un planning ambitieux. C’est un projet très intéressant de décarbonation, la réutilisation d’unités existantes, des opérateurs qui ont des logiques d’exploitation intensive, les bateaux réalisant en pleine saison jusqu’à 10 rotations par jour ». Ship ST vient également de démarrer tout récemment une étude pour la compagnie Paris Seine qui prévoit de transformer deux bateaux vers une solution « décarbonée » sans doute plutôt hybride que tout électrique. D’autres opérateurs du tourisme fluvial sont aussi engagés dans la même stratégie d’évolution de leurs flottes sur tout le territoire.

En plus des études et de l’accompagnement, il faut obtenir de la place dans les chantiers, les batteries en quantité suffisante, etc. Il y a aussi toute la problématique de l’installation des équipements à terre nécessaires pour la recharge des bateaux une fois à quai, avec des besoins de puissance différente selon les unités. Il faut aussi tenir compte que les quais parisiens par exemple connaissent de fortes contraintes architecturales, se situent en zone inondable, etc. Sachant qu’il n’y a pas que les besoins pour les bateaux de tourisme mais aussi pour ceux de marchandises avec les projets de logistique urbaine qui demandent aussi des infrastructures.

Ship ST a d’ailleurs travaillé pour CFT-Sogestran en élaborant les plans de conception du Zulu 6 avec différentes versions de propulsion et d’énergie. Le bureau d’étude spécialisé en architecture et ingénierie navale accompagne actuellement des logisticiens parisiens ou des compagnies fluviales qui souhaitent aller vers des flottes décarbonées, par exemple pour des liaisons entre Gennevilliers et le centre de Paris. Pour Camille Pougnet : « Il y a une vraie réflexion, une réelle mobilisation sur l’axe Seine pour réaliser la transition énergétique des bateaux. Ce n’est pas seulement de l’affichage. Les opérateurs réfléchissent à comment fonctionner différemment sur l’ensemble de l’axe et utiliser la Seine autrement ».

Un travail inédit avec la SCAT

Si l’on quitte la région parisienne pour l’aval, Ship ST a accompagné en 2021 la Scat pour la transformation d’un porte-conteneurs fluvial, le Mistral, afin que celui-ci puisse toucher Port 2000 par les passages Nord et Sud en respectant une hauteur moyenne significative de vagues en mer de 1,20 m et la réglementation spécifique prévue. Avec le Pythagore, c’est un deuxième porte-conteneurs fluvial de la Scat qui a été adapté à la navigation à Port 2000. Ils réalisent des liaisons pour Greenmodal entre Le Havre et Gennevilliers. Camille Pougnet souligne : « Pour nous, c’était inédit : pour la première fois, nous avons travaillé sur un tel bateau fluvial de transport de marchandises. Nous avons fait les études de modification du bateau, de tenue à la mer, de stabilité, de conformité… pour qu’il puisse obtenir son autorisation de desservir Port 2000. Jusqu’à présent, notre cœur de métier était les bateaux ou les navires pour les passagers, de travail, ou pour la recherche scientifique. Cela a été un projet compliqué mais bien accompli ». La Scat a la volonté d’accompagner d’autres coopérateurs pour la transformation d’autres unités.

Pour le département Seine-Maritime, un projet en cours depuis quatre ans pour la conception-construction de trois bacs s’achève en mai 2022 avec la livraison de la dernière unité, continue le responsable. Sur les trois bacs, l’un était maritime (n°24, livré en septembre 2020, les deux autres fluviaux (n°25 livré en septembre 2021 et n°26 livré en mai 2022). L’innovation est au rendez-vous car ce sont les premiers à  être conforme à la réglementation ES-TRIN, avec une motorisation Stage V. Ces bacs sont amphidromes traversiers.

Un autre projet mené par Ship ST l’a été pour le GIE Dragages Ports avec la réalisation en 2021 d’un audit technique des dragues Daniel Laval et Samuel Champlain qui sont en service depuis 20 ans.

Un contexte porteur

« Nous avons ainsi beaucoup d’activités et de projets intéressants sur l’axe Seine du Havre jusqu’à Paris. Il nous reste à découvrir l’amont ! Sur cet axe, des événements comme les Jeux de 2024 accélèrent les projets pour la transition énergétique des bateaux pour les passagers. Il y a aussi la volonté de faire évoluer les bateaux liés aux activités de transport de marchandises, en lien avec une logistique plus vertueuse du dernier kilomètre », analyse le responsable.

Il ajoute que « la décarbonation est un sujet primordial, il faut désormais aller vite mais intelligemment » pour les études et expertises, que ce soit pour les transformations d’unités ou de nouvelles constructions. « Les investissements sont élevés pour les compagnies qui ne doivent donc pas se tromper.»».

Source : NPI