Le Canal Albert : un exemple à suivre pour le CSNE ?

Le 29 juin, Alain LEFEBVRE, (DG des Ports de Lille) a présenté le premier atelier du cycle sur le Canal Albert. Il portait sur l’analyse des réussites et des problématiques en matière d’aménagement et de développement autour du Canal Albert en Belgique (notamment en lien avec le Canal Seine-Nord Europe).

Le Canal Albert, un modèle ?

Ouvert officiellement à la navigation le 30 juillet 1939, après 9 ans de travaux, les 129 km du canal Albert ont concrétisé un vieux rêve : relier les bassins de la Meuse et de l’Escaut. Auparavant, il fallait naviguer au travers de nombreux petits canaux durant 12 à 14 jours et avec des bateaux de maximum 300 tonnes pour rallier Anvers depuis Liège.

Aujourd’hui, on parcourt cette distance en 14 heures environ avec des convois allant jusqu’à 9 000 tonnes. Mais au-delà du rêve, le canal Albert a été et reste aujourd’hui, 75 ans plus tard, un formidable outil de cohésion et de développement économique pour la Belgique.

En reliant le bassin industriel de Liège et le port maritime d’Anvers, tout en desservant les charbonnages du Limbourg, le canal a favorisé l’essor du port de Liège, devenu aujourd’hui 3ème port intérieur européen (derrière Duisbourg et Paris) et a participé à faire de Liège la 1ère région logistique d’Europe.

La création du canal a été une réponse de la Belgique aux Pays-Bas face à la modernisation de la Meuse et à la construction du canal Juliana.

Un pari audacieux et réussi. Sa conception, très ambitieuse, prévoyait déjà le gabarit de 2 000 tonnes, porté progressivement, à partir des années 60, jusqu’au gabarit de 9 000 tonnes.

Aujourd’hui encore, avec 40 à 45 millions de tonnes de marchandises transportées en moyenne chaque année (l’équivalent de plus de 2 millions de camions de 20 tonnes), le Canal Albert est un outil moderne extrêmement performant, reliant entre eux communautés et pôles économiques. Il est le vecteur de performance indispensable pour les entreprises qui l’utilisent.

Grâce, notamment, à l’augmentation de son gabarit et aux travaux de modernisation de la Meuse, de très nombreuses entreprises situées sur les territoires du port autonome de Namur et de Charleroi empruntent également quotidiennement cette «autoroute fluviale» pour acheminer leurs flux de marchandises.

Il est le symbole d’une Belgique qui croit, plus que jamais, en ses voies navigables. Un exemple à suivre dans la perspective du futur canal Seine-Nord Europe.

Le canal Albert peut donc être une source d’inspiration mais son modèle ne peut pas être « copié-collé ». Afin de « réussir » la mise en œuvre du Canal Seine-Nord Europe, la page blanche est un atout fabuleux. Elle permet de prendre un coup d’avance. Il faudra notamment définir une vision commune pour positionner le canal dans 10 ans (et largement plus pour la question foncière qui sera structurante et fondamentale).

Rehaussement des ponts

Le canal Albert transporte près de 70 millions de tonnes de marchandises par an et est la voie navigable (navigation intérieure) la plus importante de Flandre. Toutefois, la limitation actuelle de la hauteur et de la largeur sous les ponts constitue un frein à la croissance de la navigation intérieure. La Vlaamse Waterweg SA investit donc pour contrer le principal obstacle à la navigation intérieure en Flandre.

Le relèvement de plusieurs ponts sur le canal Albert à 9,10 m au-dessus du niveau du canal permet aux navires de transporter jusqu’à quatre couches de conteneurs. Cela permet non seulement de stimuler la navigation intérieure (augmentation de la capacité de 25 %) et le développement économique, mais aussi de réduire la circulation sur les routes.

Stratégie de réserve foncière intégrée

Dans le cas du CSNE, il y a la possibilité de prévoir le « Parc d’activité industriel » et d’ainsi planifier les implantations d’entreprises, ce qui ne fut pas le cas pour le Canal Albert qui a connu des implantations spontanées.

Face à la pression foncière de la part des entreprises mais également de la part de particuliers souhaitant habiter en bord du canal, l’enjeu était de contrôler ce foncier de manière à pouvoir garantir l’accès au canal aux acteurs utilisateurs du transport par voie d’eau.

Concernant les surfaces à prévoir pour les implantations industrielles et logistiques pour le cas du CSNE, WenZ estime que la demande pourrait aisément atteindre 2 000 hectares, ce qui correspond à plus de cinq fois la surface actuellement prévue sur les plates-formes.

Bien que le cas du canal Albert soit assez particulier dans la mesure où la proximité du port d’Anvers a dû être un facteur de succès important, il est primordial de mettre au point une stratégie foncière en adéquation avec le potentiel de demande en implantation en bord du canal, et ce au-delà des plates-formes déjà programmées.

De cela dépendra l’émergence d’un véritable « couloir industriel » sur les territoires traversés par le canal. De plus, la stratégie de maitrise foncière est un levier d’incitation à l’utilisation de la voie d’eau, WenZ se réservant le droit de prioriser les acteurs économiques utilisateurs du fluvial pour l’implantation en bord à canal.

Impacts sur les territoires

Les acteurs économiques et les autorités en charge du canal Albert s’accordent pour juger que l’infrastructure marque fortement le territoire flamand. Elle contribue à donner l’image d’une Flandre bien dotée en réseaux de transports et capable de développer son industrie sans que cela se fasse au dépend de la préservation de son environnement.

WenZ explique que ce canal a été et demeure une source d’oxygène pour le territoire tout le long de l’infrastructure. Selon lui, une autoroute ou une voie ferrée n’ont pas un tel effet, mais seraient plus de nature à générer un développement aux pôles qu’elles relient.

En revanche, le canal n’a pas été déclencheur d’autres infrastructures, hormis les infrastructures touristiques. En effet, le canal a eu un impact sur le développement touristique dans la région : aménagement de pistes cyclables, ports de plaisance, campings, …

Condition de viabilité des inland terminals

La zone de chalandise potentielle pour ces types d’entreprises est difficile à estimer. Water Container Terminal (WCT) évalue son rayon de pré-post acheminement à 60 km pour que son offre ne perde pas en flexibilité et reste compétitive. Le terminal Haven Genk juge que son service intéresse les industries présentes à deux heures de transport en camion. Les Inland Terminal affirment qu’ils n’auraient pu s’implanter sans la présence de nombreuses industries potentiellement utilisatrices du canal – via les conteneurs.

Lors de l’installation de WCT, les acteurs politiques et économiques étaient sceptiques sur sa viabilité. Sa proximité avec le port d’Anvers laissait penser que son avantage compétitif serait limité. Néanmoins, l’analyse de WCT a été de considérer que la densité d’entreprises à proximité de son lieu d’implantation pouvait permettre la réussite du projet. Depuis son implantation en 1997, le nombre de nouvelles entreprises installées à proximité n’a pas évolué. En revanche le nombre de ses clients a augmenté. Aujourd’hui une centaine d’industrie sont clientes du Terminal.

Pour le terminal d’Haven Genk, le lancement du service de Terminal de conteneurs (en sus du transport de vrac et de charbon) a eu lieu au début des années 2000. Le Business plan a été validé à l’époque car il existait un tissu industriel suffisant pour alimenter le canal.

Terminal, zone logistique, terrains portuaires

Les 630 mètres de quai situés le long du canal Albert sont réservés à l´activité de chargement et de déchargement des bateaux, à l´aide d´un pont portique. Les conteneurs stockés sont soit chargés sur des camions, wagons ou barges afin de repartir vers le reste de l´Europe; soit déposés sous les halls industriels de la zone logistique pour être traités.

L´aménagement et l´exploitation du terminal à conteneurs ont été confiés au consortium formé par :

  • Manuport Group : une société portuaire d´envergure internationale et d´origine anversoise, spécialisée dans la manutention et leader du marché dans le segment de l´entreposage et du traitement des marchandises pondéreuses sèches (céréales et engrais).
  • Water Container Terminal (WCT) : la société qui exploite le terminal à conteneurs de Meerhout, où s´est établi le centre de distribution européen (CDE) Nike, le plus grand CDE en Belgique et second en Europe.
  • Dubai Ports World.

Liège Trilogiport accueille une zone logistique située à l’arrière du terminal à conteneurs et dédiée aux centres de distribution européens. C’est dans cette zone que les entreprises apporteront une plus-value aux marchandises amenées dans les conteneurs. C’est en effet à l’intérieur de ces halls logistiques de dernière génération que ces marchandises seront stockées, traitées, reconditionnées et réorganisées avant de repartir ensuite dans toute l’Europe par bateau, par train ou par camion.

Terrains portuaires : comme le terminal à conteneurs, cette zone présente l’avantage d’un accès direct au canal Albert ce qui permettra de développer une activité économique portuaire.

Zone de services tertiaires : cette zone regroupe certains services tertiaires (bureaux, douanes…) nécessaires au développement économique de la plate-forme.

Un soin particulier a été apporté à l’aménagement paysager du site et à celui d’une zone d’intégration paysagère. Soucieux du bien-être de l’ensemble des citoyens, le Port autonome de Liège et le Service public de Wallonie se sont engagés à consacrer plus de 25 hectares à cette zone, soit un quart de la superficie totale de Liège Trilogiport. Cette zone comprend  des espaces verts, des jardins communautaires, des espaces de promenade…