Des bateaux « sans une goutte de combustible fossile à bord »

Sur la Seine à Paris, pour les bateaux fluviaux à passagers, la volonté de « décarbonation » est tirée par la perspective des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) en 2024 avec une cérémonie d’ouverture sur le fleuve où défileront une centaine de bateaux. Cet événement a provoqué le lancement d’un certain nombre d’études et de transformations. Tour d’horizon de quelques compagnies, dont les Vedettes de Paris et les Bateaux Mouches, avec Ship ST, bureau d’étude spécialisé en architecture et ingénierie navale.

« Une dynamique est enclenchée pour les bateaux de passagers à Paris, la « décarbonation » passe par l’électrification ou l’hybridation. Ce sont les options choisies par la plupart des acteurs , rappelle Camille Pougnet, responsable chez Ship ST.

Plusieurs compagnies motivées à Paris

Ship ST est ainsi impliqué dans plusieurs projets de « verdissement » de bateaux à passagers sur la Seine à Paris.

  • La compagnie Vedettes de Paris avec l’électrification de 4 bateaux sur un total de 5 ;
  • Le Ducasse sur Seine, qui a été l’un des premiers « grands » bateaux électriques et connaît quelques problèmes techniques pour lesquelles il faut trouver les solutions ;
  • La compagnie Paris Seine pour l’électrification de deux bateaux a fait réaliser des études de faisabilité mais n’a pas donné de suite concrète ;
  • La compagnie des Bateaux Mouches souhaite « hybrider » deux bateaux à passagers (le Mulet Coureau et l’Hirondelle) pour les JOP pouvant accueillir jusqu’à 1 000 passagers. L’étape suivante concernera les 10 autres unités de la flotte.
Une démarche de construction navale

« Ce sont des armateurs avec des profils et des besoins opérationnels différents mais avec la même volonté de « verdir » leur flotte, commente Camille Pougnet. Nous les accompagnons avec nos expériences de la « décarbonation » et du maritime ».

Autrement dit, d’une approche assez artisanale des projets en faisant entrer le bateau dans un chantier naval où on réfléchit aux transformations au fur et à mesure du démontage, il s’agit de mettre en place une démarche structurée de construction navale qui permet de planifier les travaux à réaliser.

« C’est une offre globale d’accompagnement », ajoute le responsable, qui peut prendre la forme d’une maîtrise d’œuvre (comme pour les Bateaux Mouches) ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage en étant entièrement concepteur de la solution (Vedettes de Paris). Le tout pour « assurer un résultat final qui fonctionne et éviter les déboires lors de la mise en service ».

Une autre caractéristique des projets des différentes compagnies est qu’il s’agit de transformation (retrofit) de bateaux existants et non pas de construction neuve dans un démarche d’économie circulaire mais aussi de coûts.

Les étapes de la transformation de deux bateaux de Vedettes de Paris

Le projet de transformation des bateaux de la compagnie des Vedettes de Paris a démarré à la fin 2021 en commençant par deux d’entre eux, Trocadéro et Iéna qui sont des sisterships et couverts.

La première étape a été de déterminer précisément le besoin énergétique avec une activité intense (jusqu’à 10 rotations d’une heure en une journée avec 25 minutes d’arrêt à quai pour faire descendre les passagers et monter les suivants) pour adapter au mieux les batteries à installer. « Elles sont d’un coût élevé. Il ne faut donc pas se tromper sur le nombre nécessaire. Ni trop ni trop peu mais suffisamment pour faire une journée complète de rotations ».

Des calculs hydrodynamiques poussés ont été effectués en prenant en compte la forme, la largeur de la Seine sur la longueur du parcours lors de la navigation sans oublier la consommation à bord.

Parmi les résultats importants des études, Camille Pougnet indique : « Nous nous sommes aperçus que la carène des deux bateaux n’était pas optimisée et ils consommaient beaucoup. Nous avons décidé de modifier la forme de la coque même si cela entraînait des coûts de travaux importants ».

Cela signifie notamment :

  • un changement de la propulsion à l’arrière pour placer des lignes d’arbre avec de grandes hélices ;
  • une modification entre autres du bouchain sur toute la longueur du bateau pour réduire la résistance à l’avancement et le parc à batterie.

La deuxième étape a été le lancement de deux appels d’offres :

  • Le premier auprès d’énergéticien pour la fourniture des batteries, des moteurs électriques et la conception/fabrication de l’usine électrique. Barillec Marine a été retenu ;
  • Le deuxième pour déterminer le chantier pour les travaux de chaudronnerie, systèmes annexes, et l’accompagnement de l’énergéticien dans l’installation du matériel. Le chantier Van Praet à Villeneuve-la-Garenne a été désigné.

Le bateau Trocadéro est entré au chantier Van Praet en novembre 2022 et devrait en sortir au début de l’été 2023. Le Iéna suivra à partir de l’automne 2023 pour être opérationnel à l’été 2024 au plus tard.

« L’arrêt technique pour le deuxième bateau peut être plus court avec ce qu’on aura appris lors de la transformation du premier. Nous n’aurons pas non plus de difficulté d’approvisionnement, tout ayant été commandé pour les deux unités en même temps », précise Camille Pougnet.

Deux types de charge à terre

Parallèlement à ce qui était accompli pour ces deux bateaux, Ship ST a travaillé aux études pour la transformation de deux autres bateaux des Vedettes de Paris, Montparnasse et Montmartre qui eux sont découverts.

« La transformation apparaît plus simple, détaille le responsable de Ship ST, sans modification de coque mais avec des installations électriques assez conséquentes ». Le Montparnasse sera au chantier en même temps que le Iéna puis viendra le tour du Montmartre.

Les bateaux transformés en 100 % électrique, « il n’y aura plus une goutte de carburant fossile à bord », se rechargeront à terre :

  • de manière lente pendant la nuit ;
  • de manière rapide pendant 15 à 20 minutes lors des escales.

Tous les systèmes électriques à bord sont doubles et totalement indépendants les uns des autres : les deux ensembles de batteries et les deux usines électriques sont distincts et alimentent chacun un moteur. « Tout est dissocié pour permettre la navigation quoi qu’il arrive. Les bateaux électriques présentent les mêmes capacités de passagers, les mêmes profils opérationnels, la même vitesse, les mêmes performances qu’avec un combustible fossile ». Avec l’absence de bruit et d’odeur de fumée en plus.

Former les équipages

Les pilotes de la compagnie vont recevoir une formation sur plusieurs aspects :

  • A la maintenance en lien avec l’énergéticien ;
  • A la navigation/prise en main en utilisant un pupitre de commande nouveau ;
  • Au branchement pour le chargement ;
  • A la sécurité spécifique en lien avec les batteries à bord.

Le cinquième et dernier bateau des Vedettes de Paris pourrait évoluer vers du diesel-électrique en 2025.

Source : NPI